Depuis la fin des années 60, Michel Bulteau poursuit une œuvre composite, celle d’un écrivain qui fut aussi cinéaste et musicien. Poète*, il est aussi un remarquable chroniqueur. Dans cette veine, Flowers (1989) ou A New York au milieu des spectres (2000) illustrent concrètement ce jugement d’Allen Ginsberg : « Ce qui est intéressant, c’est ton œil d’Européen. Aucun américain n’aurait jamais raconté « la scène new-yorkaise » ainsi. »
Michel Bulteau a rencontré Ginsberg en 76 par l’entremise d’Henri Michaux. De cette rencontre naît un libre compagnonnage qui se poursuivra jusqu’à la mort de l’auteur de Howl, en 97. Par de petits fragments, Bulteau livre un portrait contrasté de cette relation : ombres et lumières d’un Ginsberg tantôt génial et inspiré, tantôt inconséquent, comme embrumé par les vapeurs d’une course à la célébrité douteuse.
Conversation de poètes, ce mince volume évoque aussi bien Shelley et Whitman que Peter Orlovsky ou Gregory Corso. Une nouvelle fois, tout une scène new-yorkaise vient jouer les seconds rôles : Irving Rosenthal, Jonas Mekas, mais aussi Blondie, Les Heartbreakers ou le CBGB’s les questions d’images, ici, étant indissociables d’une certaine bande-son.
Ne craignant pas l’anecdote, répudiant les développements analytiques, Bulteau compose un livre fait « d’éclats et d’éclairs » (Ginsberg), sorte de petite bouteille jetée à la mer, pleine de l’air d’un certain temps où les désenchantements n’empêchaient pas le chant. Un carnet de notes et de croquis, précieux, dandy et tendre.
* Hoola hoops, recueil de poèmes écrits entre 1996 et 2004, paraît aussi aux mêmes éditions.
Allen Ginsberg, le chant de l’Amérique
de Michel Bulteau, La Différence, 80 pages, 12 €
Poésie Retrouver Ginsberg
octobre 2006 | Le Matricule des Anges n°77
| par
Pierre Hild
Un livre
Retrouver Ginsberg
Par
Pierre Hild
Le Matricule des Anges n°77
, octobre 2006.