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Domaine français Fleischer in love

octobre 2006 | Le Matricule des Anges n°77 | par Anthony Dufraisse

Été 57 : Alain Fleischer séjourne à Londres, il a 13 ans, l’âge des culottes courtes. Dans un roman autobiographique et archéologique, il (ex)hume le souvenir du tout premier amour.

L' Amant en culottes courtes

Je place toujours l’aventure amoureuse au centre de tout ce que je fais. C’est pour moi une expérience obsédante », déclarait un jour Alain Fleischer. En voila une nouvelle illustration avec ce livre, sans hésitation l’un des plus insolites de la rentrée.
Elle a 20 ans, il en a à peine 13. Mais la différence d’âge n’y fera rien, non plus d’ailleurs que leurs origines géographiquement très éloignées (elle vient des West Indies, nos Caraïbes actuelles, quand lui est d’origine hongroise), ils noueront une très intime et intense relation. Rien n’y fera en effet, l’idylle prend corps entre ces deux-là ; Barbara, « superbe fille métisse de Trinidad » et Alain, « petit garçon français blanc » qui porte la culotte courte, mœurs d’époque que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître. Tout les oppose mais contre toute attente, ça tient. Le cœur, n’est-ce pas, a ses raisons que l’Angleterre ne connaît pas. Car cette « love affair » se déroule à Londres, à l’été 57, en juillet pour l’exactitude. Soyons plus précis encore : c’est au 15, Broadlands Road que tout se passe, le jeune Alain est alors pensionnaire dans la famille Buss. Ce qui là-bas eut lieu pour ce « lucky boy » c’est davantage qu’une amourette. C’est du premier amour, de la première fois qu’il est question. Le jeune Alain découvre le sexe et ses dépendances : plaisir, gamberge et frustration. Devenu adulte, Fleischer tente ici de rendre la coloration toute particulière, la tonalité si unique de ce premier amour, par lequel il s’initie à tout autre chose que ce pour quoi il était initialement venu : apprendre l’anglais. Outre la langue de Shakespeare, il apprend celle du désir interrompu ou renouvelé, entravé ou entrevu. « Je pense n’avoir rien oublié de mon séjour au 15, Broadlands Road, aucun visage, aucune personnalité, aucune émotion, aucun événement, aucun moment, aucune action, aucune anecdote, aucun état du ciel, aucune odeur de gazon ou de vieux meuble, aucun parfum délivré par la chevelure de Barbara ou par son corps, aucun accessoire, aucun objet. Tout le contenu de ces trente et un jours passés dans une maison du quartier de Highgate à Londres reste présent dans ma mémoire, gravé là. Et je pourrais passer des heures, des journées, à en feuilleter mentalement l’album d’images, le recueil d’impressions, de sentiments, de sensations qui pourrait tout aussi bien rester ensevelis à jamais si je n’avais décidé d’en retrouver en moi cette trace, cette inscription ». Le résultat, c’est donc ce livre de 600 pages très serrées, pas moins. Certains l’ont cru et écrit çà et là : 200 et quelques pages seraient de trop, coupons, coupons. Surtout pas ! C’est qu’il y a chez Fleischer une volonté de tout dire, d’épuiser le sujet, en l’espèce le souvenir, l’un et l’autre ne faisant qu’un. Une telle entreprise, une telle récapitulation méritaient ce déploiement et cette ampleur. Il fallait cette démesure, et ce trop-plein se justifie pleinement, si l’on peut dire, au regard du projet. Œuvre d’archéologue de soi, d’archiviste des sensations, de greffier de la vastitude mémorielle ? Sans doute, mais avant tout, peut-être, de photographe. Car l’écriture d’Alain Fleischer se donne plusieurs objectifs. L’un, macro, va au détail, à l’infime, au menu, aux petits riens, voire à l’insignifiance. L’autre, panoramique, restitue le cadre, l’atmosphère, la perspective. Et ce changement de focales permet à tout instant une perception renouvelée des événements ou incidents ramenés à la mémoire. Tout ici est donc affaire de variation et de modulation, chaque déplacement du regard révélant autre chose, autrement. À changer d’angle de vue, tel angle mort se laisse voir, inaperçu jusqu’alors. Revisitant ce qui se jouait alors en lui, Fleischer voit mieux. Et voyant mieux, il écrit toujours plus, happé comme jadis le fut Proust par sa remémoration. Au moment de conclure ces lignes, on apprend que Fleischer est dans la course au Goncourt. Les locataires de chez Drouant l’ont adoubé parmi les candidats. Ils ont bien fait. Vous verrez qu’il l’aura. Pari tenu, rendez-vous dans un mois.

L’Amant en culottes courtes d’Alain Fleischer, Seuil, 612 pages, 22

Fleischer in love Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°77 , octobre 2006.
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