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Essais Exercices d’admiration

mai 2006 | Le Matricule des Anges n°73 | par Richard Blin

Qu’il s’offre au regard ou à la caresse, le mystère du sein reste entier. Deux livres, signés Jean Guerreschi et Jean-Luc Nancy, en font la source de leur amoureuse dévotion et de leur éloquence.

La Naissance des seins (suivi de) Péan pour Aphrodite

Difficile d’imaginer matière première plus enchanteresse. Emblème de la féminité, organe du don et de la séduction, lieu de révélation et de béatitude, le sein n’est-il pas l’incarnation même du désir de forme de la matière ? De la présence nue, portée en avant, « partage d’âme et de corps qui n’est rien d’autre, au fond, que le surgissement ou le tressaillement du langage », dit Jean-Luc Nancy. Le sein, ce mot « insinuant, glissant, sensible dans une brève montée de la voix et vite éteint, laissé à sa naissance, à sa levée dans la parole ». C’est ce commencement, ce souffle, cette émotion qu’interroge Nancy. Non pas « les seins », mais leur naissance, « la venue qui n’est pas encore devenue ». Naître, « être soulevé ». L’être das Sein, en allemand. Quelque chose se lève, nue, à l’image de la pensée « ce qui, de soi, surgit, et ce qui n’est rien d’autre que surgir ». Les seins sont « du sens en levée, en élévation, en promesse, en offrande une sublimité ». C’est à cet « universel singulier », à ce sein dont Novalis disait qu’il était la poitrine élevée à l’état de mystère, à cette nudité « en avance d’un nu plus reculé, plus obscur et plus redoutable », que Nancy dédie La Naissance des seins, un exercice d’admiration mêlé de méditation et d’hommages glanés à travers récits, poèmes et blasons. Une offrande au plus simple des mystères, une manière de rendre grâce à la douceur obstinée à l’obstination d’être de cette « pudeur fière de ce qu’elle dérobe en l’exposant ».
Figure de proue du champ de gravitation du désir, le sein avait trouvé avec Ramon Gomez de la Serna (1888-1963) son chantre incontestable. Dans Seins (1917, repris en 1992, chez André Dimanche), un livre « jonglant avec les brefs ivoires des seins, jouant du style, les modelant du verbe et de l’imagination comme en leur propre céramique idéale », l’écrivain espagnol disait avoir recueilli « les petits sourires en coin, les émois et les ivresses que provoquent les seins, les aveuglements dont ils sont cause, les fantaisies qu’ils suggèrent ». C’est de lui et d’eux que se réclame Jean Guerreschi : « Les forces qui nous tiennent vivants ne sont pas plus destinées à nous sauver qu’à nous tirer vers le fond. Les seins sont de telles forces. Ceux des femmes. Ceux de Ramon. J’espère aussi les miens dorénavant ». Et c’est sous leur égide qu’il nous propose quarante-trois Seins, vécus, désirants, offerts, interdits, mais toujours dressés en beauté, saisis en leur vivant défi ou leur âme conquérante. Car Guerreschi ne s’intéresse qu’aux seins réels, à la différence d’Alain Ferry qui, dans La Mer des mamelles (Seuil, 1995), fait la part belle au sein littéraire, tout en rêvant à cet « impossible livre qui vous ferait rencontrer tous les seins présents dans tous les livres de toutes les langues de la terre ».
De ces cimes élues, Guerreschi décline les approches et usages, l’infini toujours mouvant, et l’idéalité. Entre aventures galantes, fantaisie et réflexions métaphysiques, défilent les seins des tantes et ceux des collégiennes, les seins « trésors nationaux » et ceux des silicones (« Il existe de par le vaste monde une catégorie de femmes dont les seins sont comme des balises dans l’océan qui anéantit les charmes des autres femmes. On les appelle des silicones. »), sans oublier les seins des plages « une multitude de seins de tous calibres concentrés entre mer et asphalte, (…), disposés deux par deux, tels des œufs au plat largués au sol par centaines en un seul passage d’hélicoptère à basse altitude, et répartis, comme sur la nappe d’un pantagruélique banquet de bord de mer » et transformant la dite plage en une « immense orangerie de seins observables à tous les stades de leur épanouissement et de leur mort ».
Mais dans cet univers où règnent l’humour et la drôlerie, où l’on se demande ce qui change « quand la taille du sein ne change pas entre la fillette et la femme ? Quel est l’être de cet étant ? », il est aussi de plus graves propos, tels ceux qui ferment les pages consacrées aux « seins kamikazes«  »Ah, connaître les mots qui savent aller au cœur d’une vierge kamikaze sans avoir à passer par ses seins ! Connaître les mots qui pelotent mieux que les mains ! Les paroles qui ensorcellent (…) Qui les mettent en marche par la promesse d’une jouissance qui ne s’atteint pas ! » Ou ceux où l’auteur s’interroge sur les femmes qui détestent qu’on les aime pour leurs seins. « Elles veulent être aimées pour quoi ? Qu’en est-il de cette « autre chose » si mystérieuse que c’est à l’autre de la trouver ? Est-ce que par hasard elles attendraient pas qu’on la leur trouve parce qu’elles n’en savent rien ? » Mais du « jacter sein de la science », en passant par le goût des femmes pour les seins des hommes, on en revient toujours au même constat : « Un sein, c’est quand même plus qu’un nichon, c’est une énigme. C’est plus qu’un amuse-gueule, c’est une faim… » C’est que, coupe d’amour ou sainte merveille, rien ne saurait épuiser les trésors de ce reliquaire porté haut, de ce haut lieu d’intimité et de luxe qu’est le sein.

La Naissance
des seins

(suivi de) Péan
pour Aphrodite

Jean-Luc Nancy
Galilée, 128 pages, 22
Seins
Jean Guerreschi
Gallimard
200 pages, 15
La Naissance
des seins

(suivi de) Péan
pour Aphrodite

Jean-Luc Nancy
Galilée, 128 pages, 22
Seins
Jean Guerreschi
Gallimard
200 pages, 15

Exercices d’admiration Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°73 , mai 2006.
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