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Domaine français L’art de la mystification

mai 2006 | Le Matricule des Anges n°73 | par Benoît Legemble

Un imposteur qui touche au génie, des hommes d’Église qui ne sont pas des anges. René Rodriguez nous propose deux versions de l’’Histoire.

1539, le Portugal connaît des heures sombres. Chargé des documents officiels qui font de lui le légat du Pape, un homme arrive de Rome afin d’établir l’Inquisition. Personne ne soupçonne encore qu’il s’agit d’un faux nonce passé maître dans l’art de contrefaire les écritures. Arrêté par les hommes du régent de Castille, Juan Pérez de Saavedra répond donc de son audacieuse entreprise devant la justice. Le scandale n’éclate pourtant qu’à l’annonce de l’aide offerte par Simon Rodriguez, missionnaire envoyé au Portugal par la compagnie de Jésus afin de prêcher la bonne parole et d’initier les fidèles aux exercices spirituels ascétiques. Se peut-il qu’un serviteur de la cause des Jésuites se soit compromis dans pareille opération ? Pour le savoir, le père Diego Lainez, lui-même disciple d’Ignace de Loyola resté à Rome auprès du saint Père, charge son ami Luis de mener l’enquête depuis Tolède, où ce dernier habite avec sa famille.
C’est de leur correspondance qu’est tiré ce roman épistolaire entremêlant avec jubilation l’histoire et la fiction, à l’image des deux protagonistes : si Luis est « entièrement inventé », nous précise l’auteur dans son avertissement, Diego a bel et bien existé. De cette intrication du roman historique avec le récit policier, de l’entrecroisement des voix de Diego, l’homme d’Église, et de Luis, l’humaniste disciple de Juan Luis Vives émerge un dialogue à la fois poétique et philosophique. S’il est un formidable témoignage sur l’Inquisition, il révèle également la crise de la conscience religieuse qui agite l’Empire aux lendemains de l’excommunication de Luther. Au-delà des cas exemplaires de Thomas More payant de sa vie son opposition au divorce d’Henri VIII, comme du dénuement total auquel sera voué le maître de Luis pour avoir reconnu publiquement la nécessité d’une réforme de l’Eglise, l’œuvre pose la question de la place accordée à l’homme dans une société qui confond laïcité et hérésie. Le procès du faussaire devient le lieu d’un débat philosophique passionné entre Diego et Luis : doit-il s’agir d’un procès religieux ou civil ? De la tromperie faite aux hommes ou de l’offense faite à Dieu, quel argument prévaut sur l’autre ?
Les lettres que s’adressent les deux amis excèdent largement l’instruction de l’affaire. Elles soulèvent une série d’interrogations ontologiques, sans cesser d’éclairer les coulisses du pouvoir. Car il s’agit d’évoquer « les arcanes politiques de la Rome des papes, de l’Ibérie des rois et cardinaux et la toute jeune Compagnie de Jésus », comme le précise Claude Louis-Combet sur la quatrième de couverture. Mais la destinée du faux légat ne prend sens qu’une fois assumés les dommages collatéraux. Car personne ne sort indemne de cette affaire. L’obsécration ayant ses limites, le pieux Diego s’assure ainsi que Luis pénètre au cœur de la machine judiciaire et l’aide à épargner Simon Rodriguez. Si le discrédit venait à être jeté sur ce dernier, l’ensemble de la compagnie verrait sa réputation compromise, et le bon père Lainez d’apparaître à son tour en stratège pour éviter pareille déconvenue. D’aucun n’échappe à ces petits arrangements, au point que Saaverda devient le révélateur d’une corruption qui touche tous les niveaux de la hiérarchie politique et religieuse. Même les mieux intentionnés, à l’image des deux enquêteurs, ne sont pas exempts de reproches : Luis aussi ne devient-il pas faussaire à son tour, lorsqu’il demande aux greffiers de ne pas prendre acte des questions relatives à Simon Rodriguez, conformément à ce que lui demande son ami Diego ? Ne contribue-t-il pas à maquiller des preuves, ce qui reviendrait à falsifier la réalité en fournissant un récit tronqué ?
S’il présente tous les traits de la chronique historique, le roman de René Rodriguez est certainement plus satirique qu’il n’y paraît, en ceci qu’il n’épargne rien ni personne. Ultime preuve de délicatesse, il le fait sans aucune acrimonie. Avec Le Faussaire, il redonne ses lettres de noblesse à un genre dont on ne déplorait que trop la disparition.

Le Faussaire
René Rodriguez
José Corti
286 pages, 16

L’art de la mystification Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°73 , mai 2006.
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