Marc-Antoine Cyr est né à Montréal en 1977. De sa vie, il donne deux points de repère : son enfance passée au bord de la mer, en Gaspésie. Puis le passage à la ville, où en 2000, il sort diplômé du programme d’écriture dramatique de l’école nationale de théâtre du Canada. Il a écrit depuis lors une dizaine de pièces et quelques nouvelles. Pour Le Désert avance l’auteur a bénéficié d’une résidence de la maison des auteurs du festival international des Francophonies en Limousin, en plus d’un atelier du Centre des auteurs dramatiques de Montréal.
Dans cette pièce, l’auteur développe la métaphore de la vie comme un jardin qu’on cultive. À un moment donné, après avoir donné de belles récoltes, la terre s’assèche, le désordre s’installe, le désert progresse.
Mélina, une femme d’une soixantaine d’années, règne sur son jardin. Mais ses mains petit à petit se figent. Elles ne peuvent plus tenir l’arrosoir et la jardinière voit pousser les mauvaises herbes.
La pluie ne tombe plus, le soleil est de plomb. La sécheresse gagne les bras de Mélina, mais elle sera bientôt dans son cœur et dans son corps, c’est le diagnostic du médecin qui annonce une mort prochaine à la belle jardinière.
Les mauvaises herbes l’envahissent, tout au long de la pièce, dans de nombreuses didascalies, elles sortent de ses manches, de ses bras. Mélina les arrache de plus en plus difficilement.
Elle redoute de se retrouver seule face à la progression de ce désert intime. Elle a du mal à avouer sa mort prochaine et met toute son énergie à ne pas se faire oublier par ses proches, son fils, Philémon, et son amant jardinier Joachim.
Elle espère retenir son fils tout l’été avec elle, elle lui demande de façon détournée : « Quitte moi pas jamais » pour qu’ils puissent tout se raconter, tout s’apprendre. Elle veut qu’il connaisse ses millimètres d’humeur à elle, jusqu’à ses toutes premières pensées adressées à lui encore dans son ventre. Elle sème des multitudes de graines, comme des histoires à ne pas oublier, quitte à semer aussi des disputes, tout plutôt que la solitude. Mélina est une de celles qui crie, qui s’emporte, qui préfère la tempête à toute idée de calme et de repos.
L’univers du fils en revanche s’est agrandi avec l’amour d’une femme, Eva. Il veut quitter le jardin de la mère pour parcourir le monde… S’échapper de ses bras qui serrent trop fort, des racines qui emprisonnent. La mère tente tout pour empêcher son fils de partir. Elle en appelle même inconsciemment à l’accident, qui a déjà fait mourir le père de l’enfant, ou à la peur de l’accident qui a fourni le prétexte à la mère pour retenir son enfant le plus longtemps possible dans ce jardin clos. Aux deux départs du fils répondent deux accidents. L’un va le faire revenir, blessé à la main lui aussi, mais quand la main de la mère s’assèche, celle du fils saigne. Le deuxième au contraire va lui permettre de s’échapper.
La pièce, dans une langue très imagée et vive, questionne ces liens d’amour trop forts, qui emprisonnent et font « tout pousser croche ». Jusqu’où a-t-on besoin des autres ? À quel endroit est-on une prison pour l’autre ? Comment apprendre à laisser partir l’autre ? Malgré la douleur.
Elle questionne aussi l’acceptation sereine de la mort, quelle partie de soi laisse-t-on à ceux qui restent, comment la mort peut-elle aussi participer de la vie ? C’est presque un exercice de calme, de silence et d’apaisement, dans ce dernier voyage qui nous mène… sous la terre.
Le Désert avance
Marc-Antoine Cyr
Éditions Théâtrales/
Passages francophones
62 pages, 12 €
Théâtre Désordre et désert
avril 2006 | Le Matricule des Anges n°72
| par
Laurence Cazaux
Avec « Le Désert avance », Marc-Antoine Cyr se place au moment où la vie d’une belle jardinière se fane pour laisser place aux herbes folles.
Un livre
Désordre et désert
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°72
, avril 2006.