C’est avec curiosité que l’on attend maintenant le premier roman de Nancy Lee, à paraître en 2007… Car ce recueil a non seulement une écriture, mais un univers. Univers glauque, au gré de nouvelles à première vue sans lien, mais qui s’agglomèrent en un tout prenant. Nous sommes à Vancouver, dans l’est canadien, et le portrait d’une ville vue par ses bas-fonds et ses psychés malades, s’élève devant le lecteur, ce que confirme l’ascension finale à « l’étage de l’observatoire ». Les drogues et l’alcool coulent à flot, prostituées, clients et proxénètes rôdent, et surtout un serial killer imprécis dont les dizaines de victimes féminines sont découvertes dans un charnier. C’est ainsi que dans la nouvelle titre, grâce à un art consommé de l’ellipse, l’on devine le destin d’une adolescente piteusement rebelle. Les personnages principaux, narrateurs parfois, sont des femmes. Souvent livrées à des fantasmes sans gloire, à des hommes sans grandeur. Annie et Jemma s’en vont « A l’est », en fait assaillir une prison et un policier à coups de cailloux. « Sally morcelée » nous décline le portrait d’une jeune fille depuis ses yeux jusqu’à son vagin, en passant par ses seins, du moins celui qui lui reste. « Tandis que son père dort, Sally lui enlève le masque à oxygène et le met sur son visage », éphémère moyen d’échapper aux cancers familiaux. Le pire est peut-être ce photographe d’Associated press qui « est une conscience sociale », dénonçant les guerres de par le monde, mais fait de l’amour une vraie torture sado-maso pour sa partenaire… Vies perdues dont Nancy Lee se fait l’avocate, en psychologue, en sociologue, mais à petites touches incisives.
Dead girls de Nancy Lee
Traduit de l’anglais (Canada) par Sophie Aslanides Buchet-Chastel, 300 pages, 20 €
Domaine étranger Vies perdues à Vancouver
avril 2006 | Le Matricule des Anges n°72
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Vies perdues à Vancouver
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°72
, avril 2006.