On peut trouver grandiloquent chez
D. H. Lawrence ce culte d’une énergie radieuse, brûlante. C’est pourtant ce que ressent Lady Carrington devant l’étalon St Mawr. Née Lou Wit, elle s’est mariée avec Rico dont la séduction paraît soudain bien moins affirmée. Le « caractère futile et trivial » et « l’impuissance » de ce dernier ne supportent pas la comparaison devant ce qui apparaît à l’héroïne comme la vie même, la « puissance » d’une sexualité innommée. Ce qu’exprime peut-être mieux le titre d’une ancienne traduction de ce roman, La Femme et la bête, alors que le titre original anglais est plus simplement : St Mawr. Pour lui, « elle était prête à sacrifier Rico » alors qu’il menace de castrer l’animal qui l’a humilié en le désarçonnant. En effet, face à une société superficielle, ce bel animal dangereux, « plus mystérieux qu’un homme intelligent », est la nature dans toute sa force, son évidence, ce qui est le credo post-romantique de l’auteur. Privilégier les forces brutes de la nature, plutôt que l’intelligence sociale peut mener hélas, n’en déplaise à D. H. Lawrence, à de terribles excès… Ce qui ne mènera Lou qu’à la séparation d’avec son mari, puis à la rencontre des terres sauvages du Nouveau-Mexique.
Ce n’est pas par hasard que cet Étalon néanmoins envoûtant, datant de 1925, précède L’Amant de Lady Chatterley, roman qui fit la réputation sulfureuse de D. H. Lawrence. Délaissée par l’incompétence sexuelle de son mari, elle devint la maîtresse d’un autre étalon, ce garde-chasse qui contribua avec elle à dédiaboliser l’érotisme dans la littérature anglaise.
L’Étalon de D. H. Lawrence
Traduit de l’anglais par Marc Amfreville et Anne Wicke, Phébus, 206 pages, 16,50 €
Histoire littéraire Des chevaux et des femmes
février 2006 | Le Matricule des Anges n°70
| par
Thierry Guinhut
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Des chevaux et des femmes
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°70
, février 2006.