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Domaine français Rapt à l’italienne

avril 2005 | Le Matricule des Anges n°62 | par Camille Decisier

Un roman épistolaire et gastronomique qui tourne au polar psychologique : Hervé Le Tellier met le souvenir en conserve, mais pas à l’abri du cambriolage.

Le Voleur de Nostalgie

Les romans épistolaires ont souvent en commun une saveur un peu désuète, un peu précieuse, un brin formelle. Le Voleur de nostalgie, bien que délibérément contemporain, n’échappe pas à ce constat. C’est même de là qu’il tient sa saveur très particulière. Sous le pseudonyme de Giovanni d’Arezzo, un jeune homme exerce la profession toute alimentaire de journaliste gastronomique. De son petit appartement surplombant les toits parisiens, il fait paraître chaque semaine une recette de pasta prétendument authentique et bien tournée, nimbée de souvenirs d’une enfance italienne inventée de toute pièce, lui qui n’a jamais vécu qu’à Paris. Jusqu’au jour où il reçoit une étrange lettre postée de Florence, signée de son propre pseudonyme, et dont l’auteur ne se dévoile qu’à moitié : « J’ignore par quels détours tu as pu choisir ces prénom et patronyme. D’Arezzo est sans doute assez noble pour faire oublier la banalité du Giovanni et l’ensemble a, j’imagine, ce qu’il faut d’italianité pour créer l’exotisme et la distance. Moi qui vis avec depuis toujours, je n’ai rien à lui reprocher. »
Cherchant à retrouver la trace de ce double florentin dont il s’est, par pure coïncidence, approprié le nom, il va croiser le destin non pas d’un homme, mais de trois homonymes auxquels, dans le doute, il enverra copie de la même lettre. Tous vont lui répondre : un jeune prisonnier détenu à Pise, un professeur retraité en quête de ses souvenirs, ainsi que l’auteur réel de la première lettre, le plus complice d’entre tous, le plus dangereux aussi. S’installe ainsi une correspondance triangulaire, au gré de laquelle chacun se livre un peu, puis de plus en plus, tant est forte la tentation de se raconter, et impérieux le besoin de réincarner ses souvenirs pour mieux se sentir exister. « Il faisait un temps de janvier, et elle a pris ses orteils dans ses doigts et les a massés pour les réchauffer. C’était un geste d’une très grande douceur, et le mouvement attentif de ses mains sur ses pieds glacés a rappelé à ma mémoire une saynète que je te livre, parce que tu parlais, dans ta dernière lettre, de l’immortalité, de la nostalgie, des trésors secrets de l’« avoir été ». Tu sais combien je suis une machine à enregistrer les souvenirs… Pièce de puzzle, selon notre tacite convention. » Au centre de l’échiquier se tient souverainement le journaliste parisien qui, croyant dominer la partie, va échafauder une curieuse combine, une rapine plutôt, un cambriolage mnémonique facilité par la valeur a priori non-marchande des souvenirs. Pourtant, de semaine en semaine, le mensonge s’organise, se déploie, exponentiel, au point peut-être de faire de l’intrigant la plus facile de ses propres proies.
Le premier roman de l’Oulipien Hervé Le Tellier (paru chez Seghers en 1992) est aussi mental et fascinant que cet étrange « Jeu militaire » dont l’un des Giovanni cherche obstinément les règles ; l’intrigue épaissit au fil des pages, un peu comme une béchamel sur le feu ; ce qui n’était qu’un sympathique canular épistolaire s’opacifie, dérange, puis inquiète, devient affrontement physique, à mesure que reprennent vie ce qui n’étaient que des confidences accordées sous le sceau du secret et de la nostalgie. Sur l’ensemble flotte en permanence l’odeur du pesto, des câpres et des anchois ; les souvenirs culinaires, qu’ils soient fictifs ou bien réels, ont cette innocence de l’enfance qui empêche Le Voleur de nostalgie de virer au pur roman noir. On en sort avec cette certitude, une fois le livre refermé, qu’il n’y a pas de souvenirs bénins.

Le Voleur
de nostalgie

Hervé Le Tellier
Le Castor astral
220 pages, 15

Rapt à l’italienne Par Camille Decisier
Le Matricule des Anges n°62 , avril 2005.
LMDA PDF n°62
4,00