Oui, Budd Schulberg a balancé des noms à l’instar d’Elia Kazan à la Commission des Activités Anti-américaines du sinistre sénateur Mac Carthy dans les années de guerre froide. Mais ça ne suffit pas à juger un homme né en 1918, communiste jusqu’en 1940, engagé dans la marine pendant la Seconde Guerre mondiale et auteur des scénarios des meilleurs films des années cinquante qui présentent l’humain dans un monde pourri : Sur les quais, Un homme dans la foule de Kazan, Plus dure sera la chute ou encore La Forêt interdite de Nicholas Ray. Il s’est attaché à dénoncer la corruption du monde du travail, du milieu de la boxe, des studios hollywoodiens ou encore ici la destruction d’un monde sauvage et beau comme celui des Everglades, « eau herbeuse », en Floride, enchevêtrement de palétuviers, dédale infesté de moustiques, reptiles ou autres alligators, mais aussi paradis des oiseaux et repaire de hors-la loi, voulant échapper à la civilisation. La Forêt interdite oppose un garde de la Société Audubon protecteur des oiseaux et un chef de bande. Le rapport s’avère très viril (bagarres, saoulerie) digne d’un western. Les deux hommes finissent par se respecter, mais l’un meurt pour sauver l’autre. Un rapport au monde tragique, crépusculaire, écrit d’une manière lumineuse comme un premier matin du monde. Mais le livre dans ses pré et postfaces recèle d’autres trésors. L’histoire de l’atelier d’écriture que Schulberg a dirigé dans un ghetto noir de Los Angeles après des émeutes raciales en 1965 et une rencontre avec James Baldwin. À 90 ans, Schulberg travaille sur le scénario du prochain Spike Lee. « Je ne savais pas qu’on pouvait mettre des mots comme ça dans un livre. »
La Foret interdite de Budd Schulberg
Traduit de l’américain par Danièle et Pierre Bondil, Rivages poche, 311 pages, 9 €
Domaine étranger Écolo western
juillet 2004 | Le Matricule des Anges n°55
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Écolo western
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°55
, juillet 2004.