Dans une société de consommation, qu’est-ce qui différencie l’art de la vie ? Apparemment peu de choses dans les pièces de Martin Crimp.
Le Traitement met en jeu deux producteurs. Ils s’intéressent à l’histoire d’Anne, bâillonnée et attachée par son mari. Mais pour adapter cette histoire au cinéma, ils vont devoir la distordre selon des règles pour la plupart commerciales : « le processus de transformation par lequel la vie devient de l’art exige que parfois l’on couche la vérité sur un lit de Procuste » (Procuste était un brigand rendu célèbre par ses tortures, ndlr). L’auteur décrit donc cette torture, ce rapt, cette régurgitation d’un être humain, Anne, en donnant le sentiment qu’aucun de ses personnages ne touche jamais du doigt, ne serait-ce qu’un petit bout de réalité. Martin Crimp nous perd dans un jeu de miroirs déformants très habile. Rien ne donne du sens, rien ne semble palpable, mis à part la dérive des personnages. À force de surfer sur du vide, ils ont pour seule issue la violence ou la folie. Pour mieux donner à entendre ce vide, Martin Crimp rythme son texte comme une partition. Il fait s’enchevêtrer les répliques selon un découpage très précis. La parole n’étant jamais véritablement entendue, elle se brouille, perd son sens.
Atteintes à sa vie est une tentative en dix-sept séquences de tracer le portait d’une femme, celui d’une autre Anne. Dix-sept scénarios, tous différents. Entre Anne artiste, Anne terroriste, Anne fanatique, Anne suicidaire, Anne mère, Anne guerrière, Anne se réduit en fait à « une absence de personnage ». Une deuxième partition du vide, de l’absence qui génère la violence. Une spirale impitoyablement décrite par Martin Crimp.
Martin Crimp
Le Traitement
Traduit de l’anglais par Elisabeth Angel-Perez
Atteintes à sa vie
Traduit de l’anglais par Christophe Pellet
L’Arche
206 pages, 14 €
Théâtre La partition du vide
septembre 2002 | Le Matricule des Anges n°40
| par
Laurence Cazaux
Un livre
La partition du vide
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°40
, septembre 2002.