La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Avec la langue Drôles d’albums

septembre 2002 | Le Matricule des Anges n°40 | par Gilles Magniont

Yann Fastier s’essaie à raconter en dessins, et confectionne, pour les petits et les grands, d’intrigantes fictions. Sa palette est aussi large – tendresse, absurde et fantaisie – que son trait est épuré.

Pour l’état civil : Yann Fastier, 37 ans, bibliothécaire à Limoges. Il n’empêche qu’à suivre sa trace, on risque de perdre le Nord. D’abord parce qu’il publie beaucoup -on compte ainsi plus d’une dizaine de livres depuis 1999, et rien que pour cette année trois titres : Du gouda et des hommes aux éditions Flblb, Dédé la Bricole et Bonsaïs ou les petites mains à paraître cette rentrée à l’Atelier du poisson soluble. Ensuite parce que cette production suit des chemins fort divers : d’une part, des albums pour enfants, courtes narrations qui suivent souvent les pérégrinations drolatiques d’un objet (tournesol, bobine, boîte de conserve, doudou…) ; de l’autre, des recueils de dessins « adulte » à l’humour noir ou plus souvent absurde. Et à l’intérieur même de ces domaines, Fastier semble brouiller les pistes : il joue sur les possibilités de la couleur comme sur celles du noir et blanc, fait alterner la pratique du strip -ou narration muette- et celle du dessin légendé (dont les textes sont parfois écrits en collaboration avec sa compagne Fabienne Séguy), préfère adapter le dessin à l’album projeté plutôt que d’inscrire un style par trop personnel, ne semble d’ailleurs pas plus s’inscrire dans les rangs de l’avant-garde que dans ceux de la tradition.
Lorsqu’on interroge l’auteur et qu’on l’entend expliquer certains de ses choix, formuler ses doutes ou faire état de projets, on comprend pourquoi le terrain est si mouvant : il s’agit, en fin de compte, de toujours rechercher de nouvelles voies pour raconter des histoires. Qu’elles soient plutôt destinées aux adultes ou aux enfants importe finalement peu : l’essentiel réside dans le fait de narrer, sur une page ou un album, et de trouver la forme adéquate pour cette narration. Fastier s’y essaye avec modestie, mettant souvent en avant des moyens limités ; mais en optant pour des supports peu en vogue (le dessin d’humour) voire inexistants (l’album pour adulte), en suivant ses idées plutôt que les stratégies éditoriales, en pratiquant un art réfléchi qui veille toutefois à ne jamais se figer, il apporte des réponses riches et singulières, dont un début d’abécédaire peut donner idée.

ABSURDE.- « Mes dessins légendés sont à l’opposé du dessin de presse, dans la mesure où il ne faut pas qu’ils soient datés, liés à une actualité et à des clés externes (si ce n’est, bien sûr, que tout humour est redevable de l’esprit d’une époque, et qu’il est en cela susceptible de vieillir rapidement). Je dirais que cela se situe dans une tradition anglo-saxonne, celle du nonsense, avec une influence évidente de Glenn Baxter.
Le dessin ne doit pas être drôle en lui-même, et la légende qui l’accompagne non plus. Les deux, en fait, sont indissociables : c’est de la collusion entre deux univers et des références a priori incompatibles que peut naître le comique. Il faut qu’il y ait une sorte de contradiction entre le texte et l’image : que ça ne soit pas possible. J’aime bien alors qu’il y ait quelque chose d’inexplicable, c’est-à-dire que je puisse expliquer certains éléments mais que m’échappe le ressort final, que soit ouverte une perspective que je ne maîtrise pas. Comme une incertitude totale, une béance où les choses ne sont plus à leur place. C’est assez mystérieux, il y a des gens qui sont complètement réfractaires à cette perspective -et qui ne riront donc pas, qui n’aimeront pas. »

ACADÉMISME.- « J’ai suivi des études d’arts déco, je ne suis pas un très bon dessinateur. J’ai fait de la peinture non figurative, et quelque chose en reste : le désir de dépouiller le dessin au maximum. J’essaie de préserver juste les traits essentiels, ceux qui font la lisibilité. Retrancher un peu plus, et ce serait incompréhensible. Moins il y a de traits, plus l’image est présente : comme pour le texte, j’obéis à un souci de concision et d’efficacité. Du coup, j’évite l’ennui, j’essaie de me surprendre, comme s’il s’agissait de retrouver, dans une sorte d’intuition ou d’improvisation, la spontanéité des croquis qu’on fait en téléphonant…
En même temps, si je savais dessiner de manière plus froide, plus académique, plus maîtrisée, le nonsense apparaîtrait peut-être avec davantage de force. Car les légendes elles-mêmes sont codifiées, se référant à une banalité quotidienne ou à des genres balisés (romans d’espionnage, d’aventure, etc.) Un bout de narration ou une réplique, comme un extrait ou une amorce de roman. »

ALBUMS.- « De toute façon, cela revient toujours à raconter une histoire, même si celle-ci reste contenue sur une seule page. Le »degré« de narration au-dessus, alors, sur lequel j’aimerais maintenant travailler, c’est l’album : non plus un recueil de dessins autonomes mais une suite qui fasse récit. En même temps, il faudrait trouver le point d’équilibre où chaque dessin raconte en lui-même une histoire et conserve son autonomie, sans que le rythme narratif soit rompu. Est-ce qu’on peut faire un gag à chaque page ?… On peut s’interroger sur les différentes manières de raconter une histoire en images, et ne pas réserver ces questions aux livres pour enfants. Pourquoi ne pas développer les albums pour adultes ? Dans l’édition, il n’y a pas de place actuellement pour ce genre d’objet. »

ANFANS.- « Il m’arrive de ne pas savoir, lorsque je commence une histoire, à quel public elle sera destinée. Le travail est le même. Bien sûr, dans les livres pour enfants, il n’y a pas de jeu sur le second degré et la référence, mais c’est quand même le même registre, des petites histoires rigolotes.
J’aimerais les rendre plus fortes émotionnellement, mais en évitant toujours le formatage de ce qu’on appelle la »littérature jeunesse« , et qui tient du commerce et de l’éducation. Ainsi je ne pense jamais au préalable à un thème, je ne me dis pas par exemple que je vais faire un bouquin sur le racisme, j’essaie juste de me démarquer de ce qu’on trouve habituellement : j’aimerais ainsi raconter l’histoire d’une petite fille perdue sous sa couette, et qui n’en sort pas. Et j’ai souvent préféré m’intéresser aux objets plutôt qu’aux sempiternels lapins. Quoiqu’on puisse encore faire du neuf : pourquoi pas parler d’un lapin, mais alors un lapin carnivore. »

Drôles d’albums Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°40 , septembre 2002.