Grèges N°6

C’est d’abord par son aspect que Grèges se remarque : une couverture en papier chiffon qui accueille à chaque livraison (deux par an) une linogravure d’Emmanuelle Dufossez. À l’intérieur, 150 pages en rusticus 95 g donnent au toucher une douceur qui fait de la lecture un plaisir. S’enchâssent cinq cahiers où brillent les contributions graphiques de peintres ou photographes. Le soin apporté à la mise en page et à la typographie signe l’amour du livre. Mais au plumage soyeux d’une revue, on préférera la qualité des textes qu’elle propose ainsi que la prise de risque qu’il y a à présenter des écrivains débutants. Avec Grèges, sur ces deux points non plus, on n’est pas déçu. L’éventail des genres est large : ce sixième numéro aborde le théâtre, la poésie, le fragment, la prose, la nouvelle, la peinture, la photographie. Si le sommaire aligne des noms de poètes ou d’écrivains dont certains ont déjà publié, aucun cependant ne pourrait faire office d’argument commercial. La plupart sont inconnus, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas talentueux. Pour preuve le texte d’Arno Bertina dont le premier roman annoncé pour septembre chez Actes Sud est précédé d’une insistante rumeur. Bertina, ici, pose des phrases fluides pour dire les premiers jours d’un appelé au service militaire. Le non-sens s’illustre par un écart entre ce qui est vécu de l’intérieur et ce que la communauté (les autres appelés notamment) impose. Assez proche, Quentin Lézard adopte la voix d’un innocent dont le frère est mort à la guerre. Là encore, la réalité des faits nous apparaît distordue par le regard de l’idiot et cette diffraction n’est pas sans poésie. Très inventifs, Gilles Aufray et Christophe Becker repousse
GRÈGES No6
159 pages, 105 FF (16,01 o)
(14, rue Émile-Zola
34000 Montpellier)
greges@lilbertysurf.fr