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Poésie Ouverture du champ

janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33 | par Emmanuel Laugier

Avec Commencements paraît un choix de textes du fameux poète américain Charles Olson, l’auteur de Maximus et de Projective Verse.

Né au début du siècle (1910) à Worcester en Nouvelle Angleterre, d’un père d’origine suédoise, facteur des Postes, et d’une mère irlandaise, Charles Olson atteint assez vite une réputation incontournable aux États-Unis en publiant un essai révolutionnaire, The Projective verse (Le Vers projectif, 1950). Alors âgé de quarante ans Charles Olson fait face à un lourd présent d’écritures : l’Amérique a vu, depuis les grands aînés Wallace Stevens, Williams Carlos Williams, Ezra Pound, etc., le mouvement objectiviste rassembler des poètes aussi différents que George Oppen, Carl Rakosi, Charles Reznikoff ou Louis Zukofsky, d’autres voies ouvrir une poésie inspirée par les événements directement politiques (Kenneth Fearing, Kenneth Patchen ou encore John Berryman). Mais si la recherche d’une rupture avec la mainmise de la poésie anglo-saxonne favorisa l’émergence d’écritures aussi différentes, elles furent néanmoins toutes en rapport avec une pensée de la communauté politique des hommes, dans les villes ou ailleurs. Charles Olson lui-même n’y échappa pas et son Maximus s’inscrit dans la grande tradition épique qui comprendra, entre autres, les Feuilles d’herbe de Whitman, les Cantos de Pound, Le Pont de Crane, U. S. A. de Dos Passos, Paterson de W. C. Williams… C’est ce que permet de lire Commencements par de larges extraits du magnifique poème Dans l’enfer froid, dans les fourrés (1950) ou, plus directement historiographique, À Yorktown (1949-1950) ou King’s mountain (1955), tout deux inspirés par des événements de la guerre d’indépendance : « À Yorktown les morts de longue date/ameublissent la terre, les talons/s’y enfoncent, au dessus d’un abattis/un oiseau tournoie//et le temps est un éclat happé bleu/du dos/d’un martinet ».
Étudiant entre 1928 et 1936 au Wesleyan College dans le Connecticut puis à Harvard, Olson travaille d’abord sur Herman Melville, que l’on découvre enfin en Amérique. En paraîtra un livre, Appelez-moi Ismaël (1947, et 1962 pour sa traduction française chez Gallimard toujours pas rééditée). Il ne cessa jamais de faire référence et d’analyser la portée de l’auteur de Moby Dick. Entretemps, après avoir été boursier et assistant dans différentes universités, il s’engage pour une campagne de pêche à l’espadon sur le Doris M. Hawes, goélette du port de Gloucester sur la côte du Massachusetts. Il y rédigera un journal et l’utilisera dans son long poème, écrit sur plus de vingt ans, Maximus. C’est justement en 1947 qu’il conçoit l’idée de ce poème narratif, véritable miroir de son essai sur le vers projectif, qu’il définira comme une sorte de manifeste contre les structures métriques fixes et les rythmes qu’elles imposent. Suivant la pulsion profonde du poème, c’est le processus rythmique, dans son immanence, qui devient prévalant. Les syllabes, la ligne et la page forment le poème quand sa structure en champ ouvert (open field), rappelle en postface Bernard Rival, vient à la fois les contredire et leur donner de nouvelles formes, comme dans la peinture expressionniste abstraite d’un Motherwell par exemple.
Ainsi, après avoir occupé de hautes fonctions dans l’administration démocrate, il décide de cesser toute activité professionnelle. Il a trente-cinq ans, défend Ezra Pound jugé à Washington pour trahison et menées anti-américaines, et n’a pas encore vraiment écrit une ligne de poésie. Auteur de proses-souvenir consacrées à son père (Bonnet de Laine, Mr Meyer et La Poste), rejetées par les magazines à qui il les propose, d’une « pièce pour danseurs » inspirée de Moby Dick, il faut attendre son entrée au collège expérimental du Black Mountain, en Caroline du Nord, comme enseignant (1949), puis comme recteur, pour que paraissent sa version du poème d’Eliot La Terre Vaine (Les Martins pêcheurs) et Y & X. Mais il semble que ce soit les rencontres du poète Vincent Ferrini à Gloucester (il deviendra l’un des personnages de Maximus), celle de Robert Creeley (il dirigea la Black mountain Review), qui d’abord refuse ses poèmes et avec qui il échangera plus de mille lettres, et enfin celle du poète et directeur de la revue Origin Cid Corman, qui précipitèrent les choses, dans les deux sens du mot. Les échanges, la richesse des réflexions, l’activité du Black Mountain College sont sans doute à l’origine d’une dynamique créatrice qu’Olson ne lâchera plus. Attentif à tous les mouvements de fond qui changent notre rapport au langage, il invente au début des années cinquante le terme de Post Modern qu’il comprendra comme un travail sur les peuples lointains (sumériens, égyptiens, mayas - Lettres mayas, Éd. Trois Cailloux, 1990). Mais c’est aussi les physiques et mathématiques non-euclidiennes qui l’intéressent et lui donnent des exemples précis de nouvelles perceptions du monde et du langage. C’est ainsi qu’il continua de chercher, et de creuser, dans son Maximus, les voies que Projective Verse ouvrit, et ce jusqu’à sa mort en 1970.
Si la traduction de ce poème ne put s’envisager dans les textes choisis de Commencements (des extraits, sous le titre Maximus amant du monde, ont été traduits par Jean-Paul Auxeméry aux éditions Ulysse fin de siècle en 1990), la première page s’ouvre néanmoins par un extrait de quelques vers. Hommage indirect, ce poème rappelle la présence du marin Billy Bud (Melville), de Pound et d’Ulysse et vaut comme commencement : ainsi suivront, sur plus de cent pages, un long extrait d’une lettre (1953) adressée à Cid Corman (on jugera de la densité épistolaire), une Lettre pour Melville 1951 d’une ironie dévastatrice en réponse à une invitation à le célébrer, sous le titre de C.-à-d. Adéquat Au réel Même (1958), un article où, sabrant une thèse sur Melville, il en vient vite à proposer de véritables lignes de fuite sur les rapports de l’écriture au champ ouvert, pour reprendre son expression, du monde et de ses mouvements. Quelle que soit l’attaque de son sujet, quand Olson concède qu’il y a un sujet à ses textes, son écriture est saillante, précise et tout à la fois cherche à être « explicite » et « méthodologique » (« avoir un chemin ») : « et le fait, ajoute-t-il, qu’il faille (y) inclure une quantité de choses pas possible ». On peut appeler ça son obstination et sa force.

Commencements
Charles Olson

Traduit de l’américain
par V. Dussol, H. Dye,
E. Giraud, P. Poyet,
B. Rival et B. Vilgrain
Éd. Théâtre Typographique
110 pages, 130 FF

Ouverture du champ Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°33 , janvier 2001.
LMDA PDF n°33
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