Auteur de SF, Richard Canal signe son premier roman noir. L’auteur situe son histoire au Sénégal.
Avec une maîtrise romanesque et stylistique évidente, il mène plusieurs récits parallèles dont les personnages sont fatalement voués à se rencontrer. Soit un couple blanc qui tient un hôtel désertique dans la brousse et dont l’existence semble se diluer dans la moiteur africaine ; un tueur à gage en bout de course qui poursuit le rêve d’atteindre un lieu paradisiaque, Mandalay, évoqué par un vieux poème ; un inspecteur noir, Samba Ndieye, dernier des justes dans un pays entièrement corrompu. Au centre de ces récits, un hold-up qui provoquera la rencontre des différents personnages. Dans ce roman, le blanc fait pâle figure avec ses ambitions ratées, ses instincts émoussés et ses débordements essentiellement violents. C’est la version dégénérée d’un petit rêve colonial, celui des descendants maladifs et toujours racistes des premiers blancs qui ne peuvent plus vampiriser l’Afrique que de façon assez minable. Physiquement ou spirituellement, ils ne sont pas à leur place sur ce continent, c’est la terre même qui semble les repousser. Le Sénégal a dans le récit de Richard Canal son modeste et sage héros, Samba Ndieye, le seul être semblant normal dans ce désastre, mais le portrait est par ailleurs d’une noirceur extrême. L’envers de l’acceptation rigolarde du désordre, ce sont la misère, la drogue et le sida. Au cinéma, Bertrand Tavernier avait brillamment transposé 1275 âmes, de Jim Thompson, en Afrique (Coup de torchon). Avec un propos différent, Richard Canal retrouve une atmosphère semblable, une déliquescence existentielle propice au meurtre, et il décrit très bien cet énervement sexuel sans fond du blanc sous le soleil africain qui appelle une issue sanglante, une sortie définitive de l’idéale route de Mandalay.
La Route de Mandalay
Richard Canal
L’Atalante
249 pages, 72 FF
Domaine français La piste africaine du polar
septembre 1998 | Le Matricule des Anges n°24
| par
Christophe Dabitch
Un livre
La piste africaine du polar
Par
Christophe Dabitch
Le Matricule des Anges n°24
, septembre 1998.