Drap-Noir grandit dans « la Mistoufle », ville de banlieue imaginaire, élevé par sa grand-mère, Ma Bertha, et son oncle Pilate. Ses parents sont morts.Affublé d’une vieille cape noire dénichée dans « la salle B (premier étage) de la Maison de la Jeunesse, des Sports et de la Révolution », qui ne le quittera plus (seul élément le rattachant définitivement à l’enfance), il devient adolescent et rencontre Minet-Bleu dans la « Mistoufle-du-Bas ». La fin de son parcours sera tragique.Michel Anor donne à lire un premier roman très abouti. La langue de l’écrivain est juste et drôle. Ainsi lorsqu’il évoque cette première naissance de Drap-Noir qui « lui fut donnée sans son consentement, dans le raclement catarrheux des excavatrices, dans le lent mâchonnement des bétonneuses et les rafales des marteaux piqueurs. Il sortit du ventre de la femme aux dents de lapin et son cri fut étouffé par le bruyant jaillissement des cent dix tours du nouveau quartier, par le rire et la musique des Africains qui travaillaient dans la boue et le goudron des chemins à inventer. »
L’auteur véhicule le rêve de l’enfance, sa fantaisie, tout en décrivant une réalité sans issue. Les mots sont à l’image du parcours du jeune garçon, qui se trouve très tôt précipité dans la violence. Ils livrent le drame et les douleurs avec naïveté.Michel Anor décide d’offrir l’imaginaire à la réalité, pour pallier ses manques. Minet-Bleu relate à Ma Bertha la « guérilla des mères », prise d’armes effective des génitrices, contre un monde devenu trop léger pour leurs enfants, « aussi léger que le blanc de la poudre qu’ils protégeaient des courants d’air avec leurs mains ».Si Drap-Noir est au centre du roman, le texte révèle également des personnages secondaires très attachants : Ma Bertha, lasse de vieillir, qui souvent « se perdait dans les coussins du convertible pour une interminable soirée de télévision et de cacahuètes. », l’oncle Pilate, militant communiste désespéré passionné de théâtre, ou monsieur Pharamond, aventurier mythomane.Ce premier roman est une réussite. L’imaginaire parvient à rendre parfaitement la douleur des banlieues. Drap-Noir est avant tout le texte d’une enfance impossible.
Drap-NoirMichel Anor
Le Mercure de France254 pages, 98 FF
Premiers romans Un enfant de la mistoufle
novembre 1997 | Le Matricule des Anges n°21
| par
Benoît Broyart
Un livre
Un enfant de la mistoufle
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°21
, novembre 1997.