Bettina, jeune écrivain milanaise, rencontre Gilliat, journaliste communiste, dans l’Italie des années 50. Elle tient le journal de bord de leur relation, rythmée par les soucis matériels (le « terme » des appartements loués) et les doutes existentiels. Vouée au jeune homme, elle observe l’évolution de leurs rapports, jusqu’à la rupture.
Dès le premier chapitre du Chapeau à plumes, Anna Maria Ortese, romancière italienne née en 1914 et largement traduite en français, dévoile clairement son projet d’écriture. Avant de laisser place au récit de Bettina, elle fait participer le lecteur à la genèse de son travail. Il s’agira d’écrire « …un récit consacré à l’épouvante de vivre, dans les limites actuelles que sont d’une part la pression économique, de l’autre la vieille tristesse existentielle, et la présence en elle, toujours plus visible, de cette obscurité philosophique dans laquelle nous vivons. » Le Chapeau à plumes, paru en 1979 en Italie, donne à lire de belles images du processus de création dans son premier chapitre. La narratrice sent, peu à peu, le personnage de Bettina la guider : « …et je m’aperçus bien vite qu’elle me prenait la main, qu’elle allait de son côté, la pauvre ! » La voix de Bettina s’impose ensuite. Elle passe sous la porte de l’écrivain et finit par s’approprier la narration.Les observations de Bettina ne manquent pas de lucidité - « Le premier rendez-vous, après une folle nuit au cours de laquelle vous vous êtes, en quelques mots, tout dit, est froid et comme épouvanté… » Anna Maria Ortese ne peut pas décevoir. Elle ne s’éloigne jamais de son projet. Le lecteur plonge dans l’impasse et se laisse porter par cette passion qu’il sait vouée à l’échec.
Le Chapeau à plumes
Anna Maria Ortese
Éditions Joëlle Losfeld, 208 pages, 98 FF
Domaine étranger Lecture bridée
juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20
| par
Benoît Broyart
Un livre
Lecture bridée
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°20
, juillet 1997.