Conférence N°6
Impressionnante, la revue Conférence réussit à être attrayante tout en faisant preuve d’une rigueur intellectuelle hors normes. Enrichissant.
Dire que Conférence est une revue superbe serait un bien frêle euphémisme. Ses 530 pages semestrielles sur papier bible témoignent, par la qualité des textes, d’une exigence remarquable. À cela s’ajoute l’esthétique très réussie d’une typographie soignée et d’une photogravure qui permet ici, dans cette quatrième livraison de découvrir les photographies d’Éric Dessert sur une Roumanie rurale et rude et les arbres dessinés au fusain par le peintre Alexandre Hollan. Chaque livraison de Conférence propose un thème (Le Clair-obscur pour le premier numéro, Le Scandale ensuite, La Beauté des corps enfin). Ici, Les Visages de la terre s’ouvre par une longue présentation de Thomas Jefferson, Président des États-Unis de 1801 à 1809. Suivent des extraits de sa correspondance au moment où se construisait la nation américaine. On avance dans l’histoire et dans l’étonnante fraîcheur avec laquelle les hommes d’alors s’inventaient un monde. Cent pages plus loin, Nicolas Bouvier, l’écrivain-voyageur arpente les territoires de l’ex-Yougoslavie et celui de la Moldavie, Maurice Chappaz gravit les monts alpestres, Pierre Bergounioux suit les « routes rectilignes pavoisées de reflets de fêtes, passementées de soleil » du plateau de Millevaches. Dans ce paysage où la terre dicte sa loi, il n’est guère étonnant de croiser Pascal Commère. Le poète réagit aux photos d’Éric Dessert citées précédemment. À quoi fait écho, à sa manière d’essayiste, et toujours à propos des mêmes photographies, le directeur de la publication, Christophe Carraud. La revue prend d’autres sentiers pour arpenter son sujet en évoquant l’École française de géographie, La Champagne pouilleuse vue depuis le Collège de France (par Roger Dion) ou l’histoire de la géographie humaine. On revient à la littérature avec Ossip Mandelstam qui évoque dans ses carnets de 1931-1932 la figure de l’explorateur allemand Pallas. Le dossier refermé, reste la partie « Cahier » constituée d’inédits et de nouvelles traductions. Et il suffit d’évoquer le nom des auteurs que l’on retrouve là pour comprendre à quel niveau de qualité se hisse Conférence : Gérard Macé, Gustave Roud et Philippe Jaccottet, Martin Heidegger (La première version de L’Origine de l’oeuvre d’art, inédit également en allemand !), Friedrich Nietzsche dans une nouvelle traduction de Michel Haar, etc. Impossible de tout citer : Conférence est un continent qui nécessite de prendre le temps pour l’explorer : six mois ne seront pas de trop.
T. G.
Conférence
536 pages, 130 FF abt 2 N°s : 240 FF
25, rue des Moines 77 100 Meaux