Dans Berlin en proie à l’insurrection, un colloque est organisé autour de l’œuvre du mystérieux Boris Rijman. Zimmer, son traducteur, Peter Mart, l’organisateur du colloque, et Mrs Vandyke, la fille de Rijman, gardent en eux les secrets d’une étrange fascination pour l’écrivain.
Une silhouette envahit la ville. Celui qui n’a pas été convié force les portes, une à une, vient hanter ceux qu’il a déjà éprouvés. Certains avaient fini par considérer Rijman comme « une invention savante ». La figure, trop tôt enterrée, réapparaît, portant en chacun de ses gestes, la violence d’une œuvre qu’on suppose maléfique. Mrs Vandyke le savait, Rijman continue de « labourer le monde ».
En parfait marionnettiste, il a décidé de manipuler les personnages d’un roman qu’il fait sien.
Voilà les données singulières du premier roman d’Anne-Sylvie Salzman, née en 1963. Au Bord d’un lent fleuve noir tient du fantastique et l’auteur dose savamment ses ingrédients. La frontière est tendue, entre réalité et hallucination. « Zimmer, tu n’as jamais eu l’impression toi aussi que nous n’étions séparés d’un autre monde -d’un certain autre monde- que par une très mince, très vivante cloison ? Comme un tympan ? »
Anne-Sylvie Salzman ne se prive pas de nous faire passer de l’autre côté.
Les trois récits qui composent Au Bord d’un lent fleuve noir (ceux de Zimmer, de Mart et de Mrs Vandyke), sont là pour renforcer l’opacité de Rijman, car l’écrivain est insaisissable. On tente de le cerner et voilà qu’il dynamite toutes les suppositions. Il reste inexplicable.
Loin du laborieux retour sur soi de l’autobiographie, qui mine beaucoup de premiers romans, Anne-Sylvie Salzman livre un texte étrange et envoûtant.
Au Bord d’un lent fleuve noir
Anne-Sylvie Salzman
Éd. Joëlle Losfeld
192 pages, 115 FF
Domaine français Etrange climat
mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19
| par
Benoît Broyart
Un livre
Etrange climat
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°19
, mars 1997.