Pascal Commère aime la campagne, et il en parle. D’autant plus facilement qu’il y vit, quelque part en Bourgogne. Pour se convaincre de son attachement à la nature dans ses textes, il n’est que d’observer les titres des trois nouveaux volumes qui paraissent cette année, où il est question de troupeaux, de bousiers et de plantes.
Que ce soit dans les poèmes réalistes de Lointaine Approche des troupeaux à vélo vers le soir, De L’Humilité du monde chez les bousiers ou des histoires brèves de Solitude des plantes, Pascal Commère (né en 1951) s’emploie à décrire un petit bout de pays aux dimensions d’un timbre poste, où l’on trouve tout ce qui fait la beauté de la campagne : de la menthe, du cresson, des renoncules, des talus, des ronciers, des panais, du foin mouillé. Un univers où il fait bon vivre, où il est donné de courir sans déranger son prochain, et où il suffit d’emprunter un chemin pour se rendre quelque part.
Il fallait s’y attendre, ce petit coin de verdure fait la joie de la gent animale ; elle y a établi résidence dans la plus grande confusion, créant ainsi une étrange communauté de chevaux, de vaches, de limaces et de mouches, ivres de bonheur dans les bouses des taureaux -car tout humbles qu’ils s’avèrent, les coprophages n’en sont pas moins des rois heureux. Et s’il était besoin de faire encore plus vrai (pour accentuer l’effet de réel), Pascal Commère diffuse ici et là quelques odeurs authentiques, que les habitants des lieux se hâtent d’ignorer ou qu’ils transmuent en parfum : celles de la sueur, de la chair, de l’urine, du sang, du crevé, du ventre ouvert des lapins, du poisson pourri, du lait caillé, qui ne pèsent pourtant pas bien lourd dans la grande puanteur du monde, où microbes et dangers bactériologiques se disputent les premiers rangs.
Comme tout terroir, celui-ci possède sa confrérie humaine, attachée à sa région au point de faire partie du décor, à l’image des habitués d’un bistrot : « Pétrifiés ensemble (eux trois et leur table, la chopine et les verres) dans cette boue du temps où personne jamais plus ne les rejoindrait, chacun levait puis reposait son verre, au même instant ou presque. » Dans les poèmes, ce sont surtout les enfants qui occupent l’espace, pour en donner une image à la fois naïve et tendre. Les histoires brèves de Solitudes des plantes (qui rappellent certaines nouvelles de Marcel Aymé) dessinent quant à elles une belle fresque familiale dans un petit village endormi près d’une rivière. On y découvre une société villageoise engluée dans son atavisme et ses habitudes, à l’instar de ces femmes qui partent en pèlerinage, chaque samedi matin, vers la camionnette du boucher arrêtée près du pont, et qui s’en reviennent vers le bourg avec leur paquet de viande sous le bras -sorte de procession pendulaire qui dit à elle seule la lourdeur du temps. Mais on y voit surtout une famille, un peu folle il faut bien l’avouer : un frère réfugié dans le silence, une mère prisonnière de ses pensées, et un grand-père tueur de chiens…
Ce petit pays a aussi son cimetière, flanqué le long d’un chemin qui se perd au loin, au plus profond de la campagne. Un cimetière même totalement absorbé par le décor : « Au pied de la croix, subsiste un brin d’herbe. Je veux l’aimer aussi. » Pour Pascal Commère, la terre est ce « qu’on porte en soi », ce « qu’on réinvente ». Tous ses textes le démontrent.
Pascal Commère
De L’Humilité du monde
chez les bousiers
Obsidiane 112 pages, 98 FF
Lointaine Approche des
troupeaux à vélo vers le soir
Folle Avoine 120 pages, 120 FF
Solitude des plantes
Le Temps qu’il fait
152 pages, 92 FF
Poésie Parties de campagne
décembre 1996 | Le Matricule des Anges n°18
| par
Didier Garcia
Dix-huit histoires brèves de Pascal Commère et deux recueils de poèmes pour dire l’inquiétante beauté du monde rural. Et son austérité.
Des livres
Parties de campagne
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°18
, décembre 1996.