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Domaine français Jean-Claude Bourlès : marcher de Conques à Compostelle

février 1996 | Le Matricule des Anges n°15 | par Jean-Loup Trassard

Après plusieurs marches vers Conques (Retours à Conques, Payot 1993), Jean-Claude Bourlès s’est lancé, « résolument vers l’ouest », sur le chemin de Compostelle. Ses pieds, ses jambes, lui sont monture plus solide que Rossinante, et sa femme Gisèle un Sancho Pança qui chante, tout fidèle dans le partage des épreuves. Est-ce à cause de la terre d’Espagne ? voilà que s’apparente au picaresque la relation d’une traversée de la péninsule, des étapes dans les auberges et des personnes rencontrées là.
Départ à l’aube, sans attendre la chaleur, quand les dernières maisons sont encore silencieuses « du lourd sommeil des villages ». Tandis qu’il marche, Jean-Claude Bourlès aime à se raconter des histoires : par bribes celle d’une tradition commencée vers 830 et celle du chemin lui-même, el Camino, tracé, ponts, fontaines salvatrices, çà ou là des pavés de schiste, « usés, meulés, creusés par des millions de pas »… Notre pélerin voyage avec la pensée de ceux qui le précédèrent durant douze siècles.
Fatigue, envie d’abandonner, douleur même chez d’autres pélerins rencontrés, pourtant Jean-Claude Bourlès n’oublie pas qu’au même moment, de par le monde, marchent des exilés, des réfugiés, dans des conditions autrement dramatiques. Une gêne aussi en traversant les champs où des centaines de femmes de tous âges ramassent des légumes et portent de lourds paniers. Il faut que cela soit dit, après quoi Jean-Claude Bourlès peut se livrer, dans l’ivresse même de la fatigue, à un embrassement du paysage, car c’est dans cette terre espagnole que lui et sa femme sont immergés, comme quelques figures croisées à l’étape, perdues, retrouvées, mais dans l’étendue quasi invisibles. « Au XIIe siècle, déjà, la poussière de Castille figurait au nombre des calamités rencontrées sur ce chemin (…). Je m’arrête et aspire, bouche ouverte, bras en croix, comme on le fait pour retrouver un souffle défaillant. L’air chaud sent les céréales et la terre. La terre, c’est elle qui m’intéresse. C’est d’elle que je veux m’imprégner ».
La langue est souple, allègre comme le pas de qui a su choisir ses chaussures. Le ton indigné souvent (le danger des camions, « l’inacceptable culture de la douleur » en occident chrétien…) et pudique dans les moments tendres. Rien n’échappe à l’esprit narquois logé au-dessus du mouvement cadencé des jambes, le regard passe, saisit les gens, leur bourg, des scènes brèves, une femme arrêtée près du lavoir entre ses deux vaches « qu’elle flatte régulièrement de la main pour apaiser leur impatience » tandis qu’elle conte aux lavandières une histoire qui les rend « hilares ».
Mais pourquoi se lancer aujourd’hui dans un tel pélerinage ? Jean-Claude Bourlès, qui se considère agnostique, marche pour comprendre la raison même de son entreprise. Le pélerinage est « instant de nudité absolue », mais « le dépouillement, qui reste incontestablement la grande leçon de ce chemin, et de tout pélerinage, tient davantage à la réflexion que l’on porte sur son existence qu’au rejet des biens matériels ». Parce qu’il ne cherche jamais à s’arroger des certitudes, Le Grand Chemin de Compostelle est un magnifique livre d’interrogation sur la vie et l’époque.
Marche, fatigue, chutes, marche encore. Les jambes ouvrent leur compas comme des aiguilles d’horloge et le corps harnaché, d’un sac, la tête couverte d’un chapeau, sont emportés sur le cadran des champs jusqu’à l’horizon qu’une heure plutôt on apercevait, incrédule d’y pouvoir parvenir avec de si petits moyens. Cinq semaines. Au fil desquelles la réflexion, l’Histoire, des images de l’Espagne, l’ironie aux aguets, sont entrelacées d’une main si juste que nous accompagnons le récit dans une bienheureuse légèreté. Qui n’empêche pas l’émotion : l’une des découvertes de Jean-Claude Bourlès, et non des moindres, c’est la ferveur manifestée aux pélerins, fussent-ils incroyants ! Laissons-en la surprise au lecteur, il ne sera pas déçu du voyage.

* Derniers ouvrages parus : Objets de grande utilité et Inventaire des outils à main dans une ferme, tous deux publiés par Le Temps qu’il fait, 1996.

Jean-Claude Bourlès : marcher de Conques à Compostelle Par Jean-Loup Trassard
Le Matricule des Anges n°15 , février 1996.
LMDA PDF n°15
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