Pour Joan Miró peinture et poésie ne faisaient qu’un. Peintre de formation, Quim Monzó, issu de la Barcelone de Mariscal, capitale de la modernité graphique espagnole depuis le début des années 80, jette comme le surréaliste catalan un pont entre écriture et peinture - « écrire et peindre, c’est la même chose ». D’abord dessinateur, la bande dessinée lui a permis un temps de conjuguer les deux langages dans des magazines comme Fotograma. Lunettes et blouson noirs, tenant difficilement en place, Quim Monzó a des faux airs d’Almodovar. Il ne cache d’ailleurs pas son admiration pour le réalisateur de La Fleur de mon secret, admiration qu’il partage avec Bigas Luna pour qui il a écrit en 1992 les dialogues de Jambon, jambon. D’expression catalane, pas par choix, mais parce que le castillan n’est que sa seconde langue - « mon espagnol est plus plat, plus pauvre » -, il est l’auteur, bien qu’il renie le premier, de deux romans et de quatre recueils de nouvelles. Gazoline, son second roman écrit en 1983 (Editions Jacqueline Chambon), le seul traduit en français, raconte l’histoire d’Heribert, un peintre catalan que New-York a consacré. Humbert, un autre peintre catalan, jeune arriviste médiocre, profite du fait que celui-ci perd prise sur le monde pour prendre littéralement sa place : il expose à sa place, s’approprie le « créneau » de peintre catalan en exil à New-York, le remplace auprès de sa femme, de sa maîtresse et finit par… perdre à son tour prise sur le monde. Mais qu’on n’imagine pas trouver des traces d’« exotisme » américain dans ce roman. Il n’est pas plus américain que ses nouvelles sont espagnoles. L’univers (très cohérent) que de livre en livre il a mis en place est absolument immanent. Il n’y a rien d’autre que ce qui est là au moment où il le nomme (d’où l’importance pour lui de la nomination). Il n’hésite d’ailleurs pas à parler d’abstraction pour qualifier son entreprise. Mais si on voit bien ce que peut être une poésie abstraite, il faut préciser ce qu’on peut entendre par prose abstraite. Abstraire, c’est soustraire : Quim Monzó efface tout ce qui d’habitude sert à donner une identité géographique aux lieux dans lesquels se déroule l’histoire ou une identité psychologique aux personnages. Abstraite, sa prose l’est donc par sa volonté de valoir universellement. Mais la littérature de Quim Monzó n’est absolument pas désincarnée. S’il n’y a pas de transcendance dans cet univers c’est parce que c’est un univers de corps. Toute psychologie, jugée obscène, en a été évacuée. Seuls les corps restent en scène. Chez Quim Monzó ce sont eux qui décident et non une conscience libre comme le suppose la psychologie. Après Olivetti, Moulinex, Chaffoteaux et Maury (1980) et L’Ile de Maians (1985), paraît aujourd’hui aux éditions Jacqueline Chambon Le Pourquoi des choses (1993) dont le titre est bien sûr ironique. Quim Monzó est un homme que les pourquoi ennuient. Avec Sergi Pàmies et Ferran Torrent, l’auteur de romans policiers valencien, il...
Entretiens Les tragédies de poche de Quim Monzó
novembre 1995 | Le Matricule des Anges n°14
| par
Christophe David
Dans les trente nouvelles du Pourquoi des choses, Quim Monzó poursuit sa chronique de la perversité et du vampirisme ordinaires dans la ligne de son précédent recueil Olivetti, Moulinex, Chaffoteaux et Maury.
Un auteur
Des livres