Dans le Dictionnaire des littératures de langue française en trois tomes de Bordas (1984) entre Bout du banc et Bovelles, il n’y a rien. Emmanuel Bove, il y a 10 ans, ne faisait guère partie de l’histoire littéraire. C’est de cette injustice-là, répétée mainte fois, que se sont nourris Raymond Cousse et Jean-Luc Bitton pour réaliser la première biographie d’un écrivain né au crépuscule du 19e siècle. Emmanuel Bove, la vie comme une ombre (Ed. Castor astral) s’est bâti autour de témoignages, de documents retrouvés et de citations des romans autobiographiques de l’écrivain. Œuvre d’admirateurs, c’est aussi le livre de militants investis du besoin de défendre l’écriture bovienne. (1)
« Il m’est très difficile de parler de lui sans avoir l’impression de trahir son extrême modestie. » Louise-Emmanuel Bove, la seconde femme de l’écrivain, donne une explication sur le silence qui suivit la mort de son mari. Présenté par ses proches comme un être falot, transparent, effacé, l’écrivain n’a jamais donné de prises solides à ses futurs biographes. Pas de déclarations fracassantes, pas d’aventures rocambolesques, pas même de prises de position politiques tonitruantes ; Bove est tout entier dans ses livres. Il aura donc fallu beaucoup d’acharnement aux deux biographes pour réunir la matière de ces 250 pages. Le résultat plus que probant, n’exclut pas cependant les périodes d’ombre dans la vie de l’auteur des Mémoires d’un homme singulier.
Emmanuel Bobovnikoff naît le 20 avril 1898 d’Henriette Michels, et d’Emmanuel Bobovnikoff un Russe, juif volage et velléitaire. Son enfance se passe entre deux familles, son père s’étant trouvé une maîtresse, Emily, riche Anglaise qui ne laisse pas le futur écrivain indifférent.
Raymond Cousse insiste sur ces années où « ses déracinements, son sentiment de précarité existentielle« marquent un »traumatisme (…) comme si un blocage affectif s’était produit (…) qu’il cherche à surmonter par l’écriture sans jamais parvenir à l’exorciser ».
De l’adolescence cahotique, on retiendra la misère dans laquelle il vécut, les petits boulots qu’il fit après la mort de son père tuberculeux. Ouvrier chez Renault, plongeur dans un restaurant à Marseille, portier à Versailles, il effectue même un séjour d’un mois à la prison de la Santé à cause de son état misérable et de son nom à consonnance étrangère (1916). Cette vie difficile lui fournira le cadre de ses deux premiers romans Mes Amis et Armand.
Lors de son service militaire, Emmanuel rencontre Suzanne qu’il épouse en 1921 avant de partir pour l’Autriche vaincue, où il se consacre à l’écriture. Impossible de savoir quand cette idée d’écrire lui est venue ; dans l’hommage rendu à sa mort par Pierre Bost, son ami écrit : « Il était romancier de naissance. »
En Autriche naîtront Nora, sa fille et Mes Amis, son premier roman. De retour en France, un conte envoyé au quotidien Le Matin est remarqué par la « directrice des contes », Colette. C’est sous...
Événement & Grand Fonds All about Bove
décembre 1994 | Le Matricule des Anges n°6
Dix-sept ans d’enquêtes et d’interviexs ont permis la publication de la première biographie d’un homme discret : Emmanuel Bove. Dix-sept ans pour réhabiliter l’oeuvre d’un écrivain longtemps.
Un livre