Puisqu’il s’agit ici de couper les cheveux de Monsieur l’Ordonnateur, autant les couper en quatre. Car, si au départ ils ne sont que trois pour ça, aux alentours grouillent les éleveurs de moutons et les enfants dans la lagune, un touriste « fraîchement débarqué » et à l’arrivée une bande de copains qui ne repenseront plus jamais au passé, à cet après-midi dans le jardin parce qu’ils n’y étaient pas, parce qu’il leur faudrait le réinventer. Gavarry et son Allada sont décidément à eux deux un pied de nez à ceux qui cherchent encore à voyager dans les livres. Si dans le premier numéro du Journal littéraire les photos de Rudolph Schäfer respirent la mort, dans Allada tout entier, les mots enchaînés qui font les phrases et les phrases enchaînées qui parfois font sens ont l’odeur d’un défi lancé à ces romans trop bien calibrés, à la chair avariée. Allada s’emprisonne volontairement dans une intrigue qui n’en est pas une, mais à partir de laquelle tout pourrait s’écrire : c’est un roman au futur, au conditionnel où « on » imagine sans cesse ce qui se passera après l’instant présent, où l’ici n’est que prétexte à évoquer l’ailleurs. C’est une histoire et cent mille autres à la fois, à imaginer, à relire. Ou à deviner. Mais mieux vaut alors donner sa langue au crapaud-buffle.
Dans le même temps, les éditions P.O.L. ressortent Jojo paru en 1982, épuisé jusqu’à aujourd’hui.
Allada
Gérard Gavarry
P.O.L.
196 pages, 76 FF
Domaine français Le chaos de la vie intérieure
octobre 1993 | Le Matricule des Anges n°5
| par
Pierre Ceppetelli
Un livre
Le chaos de la vie intérieure
Par
Pierre Ceppetelli
Le Matricule des Anges n°5
, octobre 1993.