La rédaction Xavier Person
Articles
Un auteur
Il n'y a rien à dire sur un livre
À partir du surgissement d’images venues souvent de l’enfance, mais sans verser dans les clichés poétiques, la poésie d’Emmanuel Hocquard est le récit d’une histoire qui n’est pas son histoire.
Cinq livres sont posés sur la table, pas n’importe lesquels. Nous les avons choisis ensemble. Le mieux sans doute, on le comprendra à la fin de l’entretien, aurait été de n’en rien dire, mais il fallait bien dire quelque chose. Emmanuel Hocquard parle lentement, on sent qu’il s’applique à penser à ce qu’il dit, à penser à ce que cela veut dire que de dire quelque chose. Il y a parfois des blancs dans la conversation. Les cinq chats de la maison font souvent irruption, notamment nommés Fleur, Zorro, Bernardo (qui se trouve être la mère de Zorro !). Le poète ne se prive pas de les...
Parler pour ne rien dire
Livre d’introspection radicale, Dedans fait dans la langue un vertige où se perdre et se retrouver. Une profération captivante.
Peut-on écrire dedans, dans l’intérieur de soi ? Dans l’opacité de ce qui n’a pas clair visage. Dans les dédales d’une intériorité sans contours et sans formes, dans ce qu’on ne sait pas de soi-même, qui toujours se dérobe, matière première, brute, malléable. Matière plastique. Écrivant, Charles Pennequin trace à l’intérieur de lui-même un chemin spiralé, vacillant.
Livre hybride, constitué...
Un livre
Fins
de
Jacques Jouet
Terminé
Avec Fins, Jacques Jouet signe un roman où rien de l’histoire ne semble tenir, non plus que les personnages, entraînés dans un mouvement légèrement rotatif, évanescents à force.
Amoureux fantoches et fantômes, Axandine et Axandal, le docteur Doucement et madame, les deux couples de ce roman parlent beaucoup de l’amour, le faisant peu, s’égarent dans les voies tortueuses des complications...
Tristesse de la mousse
Roman familial virtuel, Le Cinéma des familles de Pierre Alferi s’égare, se disperse en pure perte. Et ne laisse guère de place au lecteur.
Si l’on y réfléchit, et c’est ce que fait Tom, le frère du narrateur du Cinéma des familles, la mousse nous plonge dans des abîmes de douceur, des infinis de platitude, végétation extraplate, « flore vue d’avion » qui fait de nous des dieux, bouleversant durablement notre rapport au monde. Manifestation du « presque rien », « vibration d’une surface trop longtemps fixée », elle recouvre la...
La proie et l’ombre
Entre le silence et la parole, les deux derniers recueils de Franck André Jamme ne choisissent pas.
D’une part, les figures proposées du guépard, du serpent ou de l’épervier : l’animal caché derrière la phrase, dans sa force instinctive fondant sur sa proie, dans l’infinie justesse du tueur. Flèche et cible confondues, dans l’évidence d’une fulgurance. Assurant le chasseur de sa prise...
Quartier libre – chronique
Chorégraphie de ma voisine
Pourquoi continuer à écrire cette chronique ? Au fond de moi, vous l’aurez deviné : la sensation que tout cela est peine perdue, il n’y a rien à attendre, ou plutôt il n’y a qu’à attendre, sachant que ce qui arrivera, ce qui adviendra par la littérature se joue ailleurs, cela n’a rien à voir avec ce que nous attendons dans nos vies, pour nos vies, et pourtant si, cela a à voir. Comment dire ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi encore écrire des livres, pourquoi en lire et en parler ?
Pendant un temps nous avions une voisine étrange dans notre immeuble. Elle ne parlait jamais à...
Le regret des étoiles
Tous ces livres qui s’accumulent, se dit-on parfois, ces bibliothèques surchargées, ces piles vacillantes. Pourquoi lire un livre en plus ? En ajouter un à la liste de ceux que nous avons lus, pour quoi faire ? De quoi avons-nous peur, à ériger ces murs de livres ? Quelle béance voulons-nous combler ? De quel vertige espérons-nous nous déprendre ? Lire serait-il devenu un but en soi, un...
Tout le monde se ressemble
Cher Patrick Modiano,
Cela fait longtemps que j’hésite à vous écrire. Durant toutes ces années, je n’ai pas cessé de me perdre et de me retrouver dans vos livres. De l’un à l’autre, j’avançais dans un léger brouillard, comme certains matins d’hiver aux abords de la Seine. Parfois j’entr’apercevais des lueurs. De quoi essayais-je de me souvenir en vous lisant ? De vos autres livres ? De ce...
Courrier du lecteur – chronique
Star Ac
Comment devenir une légende ? Qu’est-ce que la sainteté moderne ? Lire Frédéric Boyer et Christophe Fiat ou relire Gertrud Stein ?.
Comme elle le dit quelque part dans son Autobiographie de tout le monde, pour Gertrud Stein être un saint consistait à se tenir immobile, dans une sorte d’immobilité béate, libéré de tout agir, n’ayant qu’à être soi, tel qu’en soi-même. On conçoit dès lors que pour elle, raconter une histoire, faire le récit d’une vie ne soit pas tant s’en tenir à une progression depuis un début jusqu’à une fin, que répéter, revenir, s’animer dans toutes les directions, tourner mais pas en rond, car on ne repasse jamais exactement par le même point, s’écarter du centre et puis y revenir, mais pas...
Drôle de drame
Dans le décor fait un petit livre jubilatoire d’un film qui ne se fera peut-être pas et d’un roman qui peine à s’écrire.
Dans le décor est un livre dont la fin est vraiment belle et qui rien que pour ça mérite d’être lu jusqu’au bout, même si on ne comprend pas toujours où l’histoire nous mène, même si parfois, franchement dans le décor, on se demande si le roman qu’on lit est bien le roman qu’on se croyait en train de lire, tant les bifurcations sont vives, tant la fiction ici, film dans le roman, roman dans...
Maudit Bic
Qu’est-ce qu’un phallus clownesque ? Pourquoi les baleines sont-elles maudites ? Vous manque un mot, lequel ?.
À deux reprises, dans le mouvement proprement métastatique en quoi consiste Vertig, dans ce dysfonctionnement fictionnel généralisé en quoi consiste ce roman du cancer en l’état très avancé, cancer de l’utérus de la mère du narrateur, cancer également d’une autre femme aimée et morte elle aussi, à au moins deux reprises on a noté qu’apparaissait dans ce vertige sans e (sans eux aussi bien,...