La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
Des livres
Requiem
de
Antonio Tabucchi
Trois Derniers Jours de Fernando Pessoa, un délire
Illustration(s) de Julio Pomar
de
Antonio Tabucchi
La ligne claire du rêve
Celui qui écrit une biographie se confronte à une réalité délimitée par des faits tangibles avérés et balisés par un acte de naissance d’abord, de décès ensuite. Le biographe garde ainsi une distance salubre entre lui et son sujet et ce qui en sort, la biographie donc, reste dans le domaine du rationnel. Or, le rationnel, Antonio Tabucchi a tendance aujourd’hui à s’en méfier. Avec Requiem...
Céline à la russe
Si la famille que nous présente Ludmila Petrouchevskaïa reproduit en son sein le chaos de la Russie actuelle, l’Occident a de quoi s’inquiéter.
Cris, injures, hurlements, larmes : le premier roman traduit en français de la Russe Ludmila Petrouchevskaïa est une bourrasque de bruits et de fureurs. La narratrice de La Nuit m’appartient est plus proche de la langue de vipère que de la poétesse. C’est pourtant, dit-elle, la poésie qui lui tient lieu de profession et qui lui rapporte annuellement quelques dizaines de roubles et la fierté...
Un auteur
Lobo Antunes : le désir, la folie et la mort
Il était un des grands favoris pour l’obtention du prix Nobel de littérature, mais l’oeuvre d’António Lobo Antunes n’a nullement besoin de la reconnaissance des jurés de Stockholm pour passer à la postérité.
Le dernier roman traduit en français de l’écrivain portugais António Lobo Antunes est probablement le plus complexe d’une œuvre déjà dense, violente et terriblement lucide. Né en 1942, ce médecin de bonne famille a dû longtemps détester le Portugal de Salazar pour s’être ainsi nourri de visions apocalyptiques sur la gens humaine. A lire Le Cul de Judas (1983, Métaillé), roman magistral sur la...
Des livres
L' Ode à Pronto Rushtonsky
de
F.J. Ossang
Au bord de l’aurore
de
F.J. Ossang
Disgressions caractérisées
de
Ghislain Ripault
La chronique du campagnard
Deux écrivains qui triturent la langue, à leur façon dans une rage désespérée, une maison d’édition qui détourne les réseaux commerciaux pour venir nous charmer : assisterait-on à la résurgence de l’Underground ?.
Etre né, français, dans la seconde moitié des années 50 s’apparente à une malédiction. F.J. Ossang naquit en 1956, a fêté ses vingt ans sous Giscard en pleine crise pétrolière avec juste assez de conscience historique pour savoir que les combats révolutionnaires étaient morts et enterrés. Le passé exaltant est derrière, le présent c’est regarder un faux aristo se rendre chez les éboueurs pour...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...