La rédaction Sophie Deltin
Articles
Promesse subversive
Le regard d’insouciance miné par la révolte d’Irmgard Keun, écrivaine allemande à succès des années trente, méconnue en France.
Dans Quand je serai grande, la narratrice, une enfant pétillante à l’imagination insatiable, accumule les bêtises et les infractions à l’ordre petit-bourgeois dont au fil des jours, elle démasque, mine de rien, les cécités et les lâchetés d’adultes. Dans cette chronique bien ancrée dans le contexte de la fin de la Première Guerre mondiale, à travers laquelle on peut déjà déceler les signes insidieux d’une société encline au conformisme et à l’inertie de la pensée, terrain idéal de tous les totalitarismes, la petite fille se heurte en premier lieu au moralisme hypocrite et misogyne de sa...
Des livres
La Chambre noire
de
Rachel Seiffert
La Chambre noire
de
Rachel Seiffert
Les passés recomposés
La culpabilité se transmet-elle ? Rachel Seiffert revisite la « chambre noire » de tout un peuple, qui ne cesse de porter son poids d’ombre sur les (sur)vivants et les générations futures. Sans complaisance.
Quand je regarde des photographies ou des films documentaires datant de la guerre, il me semble que c’est de là que je viens, pour ainsi dire, et que tombe sur moi, venue de là-bas, venue de cette ère d’atrocités que je n’ai pas vécue, une ombre à laquelle je n’arriverai jamais à me soustraire tout à fait ». Ces mots écrits par le grand romancier W.G. Sebald, fils d’un officier de la...
Rouge hallucinatoire
D’une facture profondément expressionniste, « Fantôme » de Klabund (1891-1928) met en scène le psychisme et le corps d’un être au sein duquel s’affrontent instinct de vie et pulsion de mort.
En 1914, Klabund comme la plupart de ses contemporains poètes (Jakob van Hoddis ou Johannes Becher) ou peintres (Otto Dix, Max Beckmann) s’engage comme volontaire dans la guerre, qu’il salue d’abord comme le signe d’adieu adressé à une époque prisonnière d’une morale bourgeoise hypocrite. Cet enthousiasme patriotique, l’écrivain allemand, né en 1891 à Crossen-sur-l’Oder et de son vrai nom...
Un livre
Les Grands mots
de
Franz Innerhofer
La férocité des origines
Dans le dernier volet de son autobiographie romanesque, l’Autrichien Franz Innerhofer (1944-2002) décrit l’itinéraire infernal d’un écorché vif dans un monde sans grâce ni consolation.
Si l’on inscrit souvent et à juste titre l’écrivain autrichien Franz Innerhofer dans la filiation de Thomas Bernhard et d’Elfriede Jelinek, c’est en raison de son regard acéré et sans concession porté à l’encontre de l’Autriche de l’après-guerre. Son dernier ouvrage, publié en 1977 et dont Evelyne Jacquelin nous offre la traduction pénétrante, vient clore le triptyque qui portait sur les...
Un livre
Jans va mourir
de
Anna Seghers
La vie comme traversée
Dans un récit étincelant de tristesse l’un de ses premiers écrits de 1925 et retrouvé depuis peu, Anna Seghers explore l’intimité de la souffrance d’un enfant et de ses parents confrontés à sa maladie.
Cette nouvelle ne pourrait être qu’une triste et banale histoire de famille dans un milieu marginalisé. Martin Jansen est ouvrier, sa femme, Marie, femme au foyer. Ensemble, ils ont un fils de 7 ans, Jans, autour duquel ils ont construit une image de perfection pour compenser la misère de leur couple et leur vide intérieur. Car c’est seulement grâce à la naissance de Jans que « l’espoir...