La rédaction Jérôme Delclos
Articles
Une marque allemande
De sa dérive urbaine sur fond de prostitution, Emmy Hennings (1885-1948) tire une brûlante quête de soi. Rude et mystique.
Au XVIe siècle sur le parvis d’une église espagnole, la prieure Thérèse d’Avila fit scandale en haranguant ses Sœurs aux mots de « Nous sommes les putains du Christ ! ». Elle avait fugué du foyer familial à 7 ans dans l’idée très romanesque de « se faire décapiter par les Maures », une seconde fois à 18 pour rejoindre un carmel mondain et peu cloîtré. Prostituée dans la Prusse de 1911, la jeune Emmy, pionnière du dadaïsme, elle aussi fugueuse à 18 ans mais pour suivre une troupe de théâtre ambulant, est une semblable rebelle. Et le début de son « Tagebuch » – un journal – attaque fort lui...
Un auteur
Babar au bulldozer
Au beau risque d’une œuvre tout en modulations, Clément Rosset nous lègue une pensée toujours en mouvement. L’auteur de Le Réel et son double appelait Schopenhauer et Nietzsche des philosophes « bulldozers ». Il en aura été un autre, sa vie durant, sur le chantier des démolitions.
Clément Rosset a été retrouvé mort dans son appartement parisien le 27 mars 2018. » Au lendemain de cette dépêche de l’AFP, la presse aussitôt rend hommage à un penseur « atypique » ou « inclassable ». L’épitaphe, qui en soi n’est pas fausse, révèle surtout un embarras : comment qualifier Rosset autrement que sur le mode privatif ou négatif ? C’est le type atypique, de la classe agitée des...
Purger sa peine
Figure majeure du dadaïsme, Emmy Hennings (1885-1948) témoigne, dans un récit poignant, de la prison dans l’Allemagne de 1914.
Avec Prison, le lecteur français peut enfin lire Emmy Hennings, poétesse, romancière, « cabaretiste » comme elle se désigne, danseuse d’avant-garde, modèle nue, performeuse de la première heure et créatrice de marionnettes. Épouse d’Hugo Ball, elle le suit dans ses errances et sa misère entre Suisse et Allemagne, elle morphinomane, lui qui la bat et l’envoie tapiner. Ils fondent ensemble le...
Des livres
L' Autofictif nu sous son masque
Journal 2020-2021
de
Eric Chevillard
L' Arche Titanic
de
Eric Chevillard
Chevillé à la nuit
Des nuits de L’Autofictif à celle d’Éric Chevillard au musée : sous les pavés de l’humour, le sable noir de la mélancolie.
Chaque nuit depuis 2007, Éric Chevillard rédige trois brèves notes du Journal de L’Autofictif. Puis à l’aube il en alimente son blog, dont chaque année L’Arbre vengeur édite un volume. L’Autofictif nu sous son masque (Covid oblige) est le treizième de la série, et sous-titré « Journal 2020-2021 ». La page du 22 juillet donne tout son sens au titre. « Exhibitionniste sournois, pour ne pas dire...
Retour vers l’oubli
Hantée par la guerre et la mort, l’œuvre de Branimir Šćepanović (1937-2020) instaure un pathétique sublime de la lutte avec l’ange.
Branimir Šćepanović est surtout connu pour son roman La Bouche pleine de terre. L’édition par Noir sur blanc de la totalité d’une œuvre que L’Âge d’homme avait traduite en partie tient en trois romans, dix-neuf nouvelles dont quinze inédites, et l’on y croise souvent l’homme qui s’en va, ou qui revient. S’il s’en va, il manque à suivre une femme, le train est reparti, et la vision, dans la...