Un livre

Le Bois Des Hâtes

de Christine Delcourt

Editions Pierre Mainard

En Christine Delcourt, la poésie trouve une voix qui nous désarrime de nos habitudes de pensée, nous confronte au toucher sensuel d’une écriture où la pensée-image règne en maître. Une voix qui trouve sa source dans un regard qui voit au-delà de ce qu’il regarde. Regard par l’entremise duquel un voir prend corps dans un dire qui vise à témoigner de la vérité de ce champ de forces pur qu’est l’exister. À savoir une réalité dont Christine Delcourt cherche à restituer l’énigme, donne à deviner l’ordre secret.
Transcendant l’assomption jubilatoire des apparences, son poème cristallise l’impalpable du senti, le soluté des sortilèges de l’amour. Il nous plonge dans le brut d’un réel qu’aucune physique n’appréhende, qui ouvre au non su du désir, à l’histoire de ses malentendus et de ses leurres autant qu’aux crispations radieuses du ventre « ratissé de hautes faims ». Des plissés et des froissés de ce désir jusqu’aux entrechats de l’évidence, « seuls importent ce qui dure et perdure, ce qui se brode aux blasons des cœurs, éprouve les bonheurs. // Ce qui grandit pour tout agenouiller. »
Aussi bien dans Le Bois des Hâtes que dans Vous, comme le loup et Folle, l’éperdue – deux titres datant de 1996 et 1999 et repris ici – c’est le choix de vivre sous la dépendance de l’impossible et de la jouissance qui nous est donné à lire. Un mouvement de joie sauvage et abandonnée, une singularité expressive qui, ébranlant les qualités et propriétés du sens et du sensé, se distille en scènes de la vie violente et désirante comme en scherzos transpirants de sensualité. Une poésie dont le lyrisme radical met à nu ce qui se cache sous le visible, jongle avec les oxymores et les paradoxes, et magnifie l’inflexible beauté de tout ce que la rationalité philosophique est incapable de voir.

Richard Blin

Le Bois des hâtes
Christine Delcourt
Pierre Mainard, 118 pages, 16 €