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Domaine étranger Des cendres pleines de lumière

février 2023 | Le Matricule des Anges n°240 | par Anne Kiesel

Le périple de deux adolescentes livrées à elles-mêmes, par Nanà Howton, une romancière brésilienne, sociale et féministe.

Ça commence dans la froide violence. Une adolescente, presque encore une enfant, se trouve au milieu d’un cercle d’hommes. L’un d’eux lui tend un pistolet. Elle le pose sur la tempe d’un type à qui les hommes viennent visiblement de casser la gueule. Le type, salement amoché, a fait du mal à sa sœur. Elle tire, elle le tue. Fin sèche du premier chapitre. À peine deux pages.
Le lecteur ne sait pas encore pourquoi les hommes incitent cette gamine à faire elle-même justice à sa sœur. Il a juste découvert les prénoms des deux enfants : la grande, celle qui tue, s’appelle Smiley. La petite, Porcelaine. Elles vivent dans un orphelinat, elles ont pourtant bien une mère, mais qui ne vient pas les voir, malgré toutes ses promesses.
Quel démarrage explosif ! C’est le premier livre traduit en français de Nanà Howton, une autrice américaine d’origine brésilienne. « Je pense en portugais et j’écris en anglais », explique-t-elle, à la toute fin du livre, au moment des remerciements, consacrés d’abord à son épouse et à ses enfants, puis à sa traductrice, Isadora Matz.
Nanà Howton s’inscrit entre deux pays, le Brésil et les États-Unis. Et entre deux cultures : elle est métisse, comme Smiley et Porcelaine, dont la mère est Indienne.
Son roman se passe dans le Brésil des années 1970, sous la dictature militaire. Du contexte politique, les deux sœurs ne devinent rien. Les voilà livrées à elles-mêmes, après avoir fui l’établissement tenu par des bonnes sœurs, prison d’orphelines, de filles abandonnées, de filles pas désirées. Ces jeeps kaki ? Ces sourdes menaces ? Elles n’y comprennent rien.
Elles traversent avec une insouciance touchante (même si ce n’est évidemment pas aussi simple) l’absence d’argent et de nourriture, de référence adulte, d’un abri sûr (leurs voisins sont des semi-bandits qui se hurlent dessus et s’entre-tuent quasi tous les soirs). Avec un tel environnement, il aurait été facile de composer un récit sinistre, plombant, noir foncé. Mais la finesse de Nanà Howton consiste à se mettre à la hauteur du regard des filles. Elle donne à son vaste roman – 400 pages, routes sans fin, paysages immenses – des couleurs solaires. Malgré la misère crasse, malgré les feux allumés dans les champs de canne à sucre, ce système de désherbage aussi rapide que sordide qui déverse ses cendres sur les habitants de la petite ville voisine.
Par son écriture directe, descriptive, simple, elle éclaire toute cette noirceur. Les deux sœurs partent sur les routes à la recherche de leur père. Smiley protège Porcelaine. Qui se révèle moins fragile qu’elle n’en a l’air. Smiley ne sourit pas, Porcelaine ne se brise pas. Dans la maison de la mère, il n’y a quasiment pas d’autres livres qu’une encyclopédie de la sexualité. À la lettre M, Smiley « avait trouvé les définitions de choses telles que mariage, masochisme et masturbation ».
Violences intra-familiales, alcoolisme et prostitution de la mère ? Oui, mais aussi légèreté, solidarité des deux filles, et une certaine pureté qui les sauve. Des adolescentes qui travaillent à l’usine de chaussettes se font « tripoter », sont « déshonorées » ? On peut dire non à tout ça, même si on est seule et pauvre.
Cette lumière apportée par Nanà Howton donne espoir et foi en l’avenir : « Les gens qui ont un but mûrissent sans doute plus vite que les autres », remarque Smiley. Elle, qui a grandi à la va-comme-je-te-pousse, a un but : elle rêve de partir à Paris. Cette ville où justement Nanà Howton a vécu plusieurs années et où elle a côtoyé le MLF, avant de partir s’installer aux États-Unis. Et de composer ce roman-monde, qui aborde le féminisme, l’écologie, la justice sociale et autres babioles.

Anne Kiesel

Saisons des feux
Nanà Howton
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Isadora Matz
Des femmes/Antoinette Fouque, 380 pages, 25

Des cendres pleines de lumière Par Anne Kiesel
Le Matricule des Anges n°240 , février 2023.
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