Certains poèmes de Thomas Vinau, notamment dans Juste après la pluie, ont la capacité de nous raccorder à l’enfance. Sans mièvrerie, par un regard lavé de tout préjugé, porté sur des objets, un ciel, un détail, l’adulte écrivain accueille l’enfant qu’il fut – et nous, l’enfance que nous eûmes – en retrouvant par les mots ces sentiments et ces émotions avec lesquels un enfant découvre le monde. Anne Brouillard, artiste habitée s’il en est, accorde magnifiquement son univers à celui du poète. Jouant sur des cadrages plus ou moins serrés, elle restitue la part fragmentaire du poème où peu de mots suffisent à habiter un espace mental : celui d’un enfant rêveur et seul qui habite une maison isolée au cœur de la forêt. La féerie du monde est à portée de regard, encore faut-il l’ordonner par un récit. Un récit et un personnage par saison, du « vilain petit bonhomme » de l’automne au berger sans mouton de l’été, en passant par Pic « le hérisson/ qui habite au fond/ de tous les frissons » en hiver et l’étonnant « camion tout pourri » qui trimbale toutes les promesses du printemps. Le poème puise dans des mots simples mais laisse émerger une forme d’étrangeté, une épaisseur magique qui en appelle à l’imaginaire : « Parfois quand il chante/ les chauves souris/ viennent se rafraîchir/ dans sa bouche trop sombre. » Ainsi l’espace, en toute saison, offre-t-il à l’enfant solitaire, des chemins de traverse par lesquels s’évader. De même que le lecteur, saisi par la beauté des tableaux d’Anne Brouillard, est appelé à traverser la page pour s’offrir la liberté du vagabondage. Et donner à sa solitude, le sentiment qu’elle est peuplée : « Il dit :/ on n’est jamais seul/ avec des empreintes/ dans la neige ».
Pizza 4 saisons
Thomas Vinau et Anne Brouillard
Éditions Thierry Magnier, 72 p., 18,50 € (parution le 30 novembre)
Dossier
Thomas Vinau
Apprivoiser la forêt
novembre 2022 | Le Matricule des Anges n°238
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