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Domaine étranger Exercice de styles

octobre 2022 | Le Matricule des Anges n°237 | par Dominique Aussenac

En pleine révolution industrielle anglaise, Mick Kitson peint autour d’un ring une somptueuse fresque crépusculaire et mélodramatique.

Dans la vie et le cœur de ce natif du pays de Galles qu’a-t-il bien pu se passer ? Pourquoi et comment éprouver autant de tendresse envers les héroïnes de ses trois romans ? Des femmes jeunes, jolies, plus ou moins orphelines, toutes blessées par l’existence et issues de milieux populaires. Elles n’ont certes pas toutes un beau rôle, mais s’avèrent sacrément battantes, n’hésitant pas à occuper des terrains, des statuts, des postures qui leur étaient jusqu’alors interdits. A-t-il besoin de compenser certaines carences affectives ? Est-il atteint de Dickensomanie ? Pas vraiment, cet ancien rockeur, passé journaliste, aujourd’hui prof d’anglais est affublé d’une bouche dorée : talents de conteur et d’imagination hors pair, souffle puissant de plus en plus épique. Manuel de survie à l’usage des jeunes filles (Métailié, 2018) évoquait la fuite de deux sœurs au cœur de la forêt après le meurtre du beau-père violeur. Analphabète (Métailié, 2021) décrivait les errances criminelles d’une jeune femme, poursuivie par son fils. Quant à Poids plume, il nous plonge dans l’Angleterre de la fin du XIXe siècle au milieu d’une multitude d’hommes et de femmes arrachés à une terre de moins en moins prodigue, obligés de s’entasser comme des animaux dans des villes glauques et glaciales, les nouvelles Sodome et Gomorrhe. Ils y vivent en lumpenprolétaires, la précarité des esclaves d’une nouvelle doctrine économique, le capitalisme.
Sur les routes errent des gens encore plus pauvres. Nomades, épris de liberté, les gitans se déplacent de foire en foire, malgré le racisme des « honnêtes gens ». Ils proposent chevaux, vanneries, tissus… Mais un hiver trop froid, une famine, un accident… Anny Perry, petite manouche sera vendue sur un marché. « – elle est à vendre pour faire le ménage et la cuisine, elle sait s’occuper des chevaux (…). Elle a bon caractère, ne fait jamais de caprice, elle n’est jamais méprisante et déborde de gratitude chrétienne lorsqu’elle est bien traitée et reçoit de petites attentions. » Elle apprendra à boxer et se produira sur des rings plus ou moins légaux. En parallèle, elle découvrira la lecture et s’émancipera. Les trépidantes aventures d’un bandit, plus ou moins justicier, le Black Cloak, portant cape noire et tricorne décati se mêleront au récit, le satellisant pour finalement n’en faire qu’un.
Roman initiatique, certes, mais aussi étude de mœurs, fresque historique, roman policier, conte fantastique, Poids plume combine tous les genres, passe du réalisme social à la féerie décadente, du flamboiement néo-gothique au picaresque dans un tourbillon vertigineux, comme une ivresse.
Faut dire que la bière y coule à flots. La galerie de personnages qu’il convoque, offre une luxuriance, une vitalité et des contrastes saisissants marqués par les différences de classes. À notre gauche, les gens du peuple, ouvriers, cloutières, boxeurs, boxeuses… Au milieu des militants révolutionnaires, des bigots parfois humanistes ; à droite, policiers, juges, maîtres de forge, aristocrates… Les corps suivant les catégories affichent une hyper mobilité, un tangage social, pugilistique, alcoolique et atteignent un puritanisme presque cadavérique, à moins qu’un certain libertinage ne les dénude et les pousse à tous les excès. Les dialogues incisifs rythment le récit, pareils aux coups prodigués sur le ring. Quant aux descriptions des villes et des paysages, elles utilisent magnifiquement la lumière et laissent apparaître clairs-obscurs, crépuscules déchirés qui font de ce roman un ouvrage haletant.
« C’est le bruit qui vous frappe. C’est un mur qui vous entoure et, dans ma tête, j’arrive presque à le voir – une construction abrupte dont les briques sont des cris, des grognements et des appels rauques, chaulée avec des hurlements stridents, des exclamations graves et des cris sauvages, toujours prêts à s’écrouler sur vous et vous ensevelir. »

Dominique Aussenac

Poids plume
Mick Kitson
Traduit de l’anglais (Écosse) par Céline Schwaller
Métailié, 368 pages, 21,50

Exercice de styles Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°237 , octobre 2022.
LMDA papier n°237
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