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Essais Futur antérieur

avril 2022 | Le Matricule des Anges n°232 | par Thierry Cecille

La lutte finale pourra peut-être encore avoir lieu : l’historien des idées Enzo Traverso offre des armes d’hier pour les combats de demain.

Révolution, une histoire culturelle

Dans un précédent ouvrage (voir Lmda N°179), Enzo Traverso diagnostiquait et étudiait la « mélancolie de gauche » – ou comment une sorte de spleen destructeur s’était emparé, à la fin du XXe siècle, de ceux qui naguère encore rêvaient utopies et révolutions. Comme Baudelaire qui, après s’être enthousiasmé durant les journées de février 1848, se disait « dépolitiqué » à la suite de la répression de celles de juin, beaucoup avaient enterré tous leurs espoirs avec la fin de l’URSS. Ce nouvel ouvrage, imposant, vient peut-être contrebalancer cet amer constat, construire une sorte de diptyque. Son but est en effet de « rassemble(r) les fragments intellectuels et matériels d’un passé révolutionnaire éclaté et souvent oublié, dans le but de les réarticuler en une composition qui ait du sens, faite d’images dialectiques : des locomotives, des corps, des statues, des colonnes, des barricades, des drapeaux, des sites, des peintures, des posters, des dates, des vies singulières, etc. »
Il y eut, au cours du XIXe siècle, comme une sorte de mode, d’engouement pour ce qu’on appelait alors des dioramas ou des panoramas : un dispositif de mise en scène, souvent circulaire, mêlant peintures et éléments de décor, qui permettait au spectateur d’être plongé dans une scène historique. Ce procédé, immersif dirait-on aujourd’hui, le transportait au cœur de la bataille de Waterloo ou dans une caverne préhistorique. C’est une expérience un peu similaire que nous permettent de vivre ces centaines de pages : grâce au travail de « montage » que revendique Traverso, s’inspirant de celui de Walter Benjamin dans son Livre des passages, nous parcourons avec lui plus d’un siècle de luttes révolutionnaires. Avec les ouvriers parisiens ou les canuts lyonnais, nous construisons des barricades, nous voyons comment Delacroix les immortalise dans sa Liberté guidant le peuple, nous nous y battons jusqu’au dernier souffle contre les assassins versaillais durant la Commune. Nous suivons les pas d’intellectuels révolutionnaires dont Traverso propose comme une typologie : les dreyfusards ne sont pas semblables aux populistes russes, les « bohémiens et déclassés » sont différents des « parias conscients » et des « bannis ». Ceux que leurs ennemis décrivent comme des « cosmopolites sans racines » savent, après leurs longues années d’errance et de formation, retourner combattre chez eux, qu’il s’agisse de Lénine et Trotski ou d’Hô Chi Minh. Nous découvrons les démêlés de Diego Rivera avec John Rockfeller Jr. : alors que ce dernier lui avait commandé une fresque pour le Rockfeller Center, il la fit détruire quand il découvrit que Rivera y avait introduit Lénine à la place d’honneur. Le peintre créa alors une seconde version de cet Homme contrôleur de l’univers, aujourd’hui visible au palais des Beaux-Arts de Mexico : on peut y admirer, dit-il, un « héros collectif », un « homme-machine » inventant la société future dans laquelle il sera « aussi important que l’air, l’eau et la lumière du soleil ».
Un chapitre plus ardu mais passionnant tente de délimiter les deux concepts jumeaux mais distincts de liberté et de libération, d’étudier « la tension entre liberté et libération ». Traverso se penche alors sur des textes d’Hannah Arendt, d’Herbert Marcuse ou encore de George Orwell. Analysant une célèbre page d’Hommage à la Catalogne décrivant la métamorphose de Barcelone aux mains des anarchistes, Traverso y trouve « la dimension émotionnelle de la libération, qui transcende le pathos des formules rhétoriques et exprime une nouvelle intensité de la vie, la découverte de nouveaux rapports entre les humains ». En ces jours où l’air semble parfois nous manquer, il nous rappelle ainsi avec force que « les révolutions expriment la respiration de l’histoire ».

Thierry Cecille

Révolution. Une histoire culturelle
Enzo Traverso
Traduit de l’anglais par Damien Tissot,
La Découverte, 461 pages, 25

Futur antérieur Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°232 , avril 2022.
LMDA papier n°232
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LMDA PDF n°232
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