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Poésie Mon nom est personne

février 2022 | Le Matricule des Anges n°230 | par Emmanuel Laugier

Avec La Poésie comme on respire, Kenneth Koch passe son temps à alléger ses propos pour que la poésie se sirote comme un soda spécial. Décapant.

La Poésie comme on respire

Deuxième livre traduit en français, après Changement d’adresse (Belin, 2002), La Poésie comme on respire aura de quoi réjouir, par la présence faite, dans le poème lui-même, de la poésie, de sa nécessité et de ce à quoi elle résiste face au gros tuyau du consumérisme généralisé (des États-Unis). Tout cela est écrit dans un ton méditatif décontracté type : verre de whisky à la main, cigarette Pall Mall dans l’autre. Koch est un garçon de cette génération-là, 25 ans en 1950, tout droit sorti de l’État de l’Ohio, fils d’un père distant mais équanime, entrepreneur dans les magasins d’ameublement, bon bourgeois satisfaisant une femme au foyer et les repas dominicaux. Le cadre social n’empêche pas Koch de répondre à l’affection de sa mère et de s’opposer assez vite à l’idée de devenir marchand de meubles en teck ou bois vernis. Ron Padgett, poète et traducteur, élève et ami de Koch, rappelle dans sa postface les grandes qualités de Koch : ses dons, tôt confirmés par ses professeurs, ses jeux verbaux, ses délires quasi rocambolesques appliqués au poème, et surtout sa conscience critique et détachée de l’acte d’écriture et de la place de son action, toute restreinte, face à la société. Koch consacra, après être passé par Harvard, sa thèse à la réception et à l’influence de la poésie américaine en France entre 1918 et 1950. Ce socle, qui n’est pas qu’analytique, mais un véritable lien entre le poète qu’il va devenir et le lecteur qu’il est, explique, combiné à l’influence de l’école de New York à laquelle il est rattaché (son amitié avec Frank O’Hara et John Ashbery), l’importance qu’eut pour lui la modernité française, l’ironie de Max Jacob, la souplesse d’Apollinaire, la sobriété de Reverdy et le lyrisme de Cendrars.
Mais il est indéniable qu’il fait de ces héritages encore autre chose. La grande ampleur de déplacement de ses sujets et la liberté qu’il trouve pour faire de ces déplacements un coup de dé du poème en sont les indices : dans « Zone horaire », évoquant le fascisme des banques il écrit « cependant avant d’être accueillis dans ce coffre odoriférant/un petit poème “solide comme un casque” est notre offrande/“Ciel/ouah ouah !/harpe/Ceci répété dix fois  ». Ce n’est pas le moindre de ses mérites, mais sa force, revigorante, grand-guignolesque et pop. Koch a toujours l’humour qu’il faut, décalé et savoureux, prosaïque quand il le faut, jamais surplombant, ni faussement profond. Plutôt profond par l’art surfaciste qu’il entretient par des historiettes et des romances fleur bleue, mais aussi par sa mélancolie et ses araignées intérieures.
On pourrait citer la plupart des poèmes de cette anthologie (cinquante ans d’écriture), tant ils sont tous un angle de vue spécial sur l’existence, lequel a, en apparence, cette fausse et légère naïveté. Quoi qu’il en soit, la poésie de Koch fait sourire, on peut parfois même y éclater de rire, mais aussi être interdit et concerné, abasourdi et ému, tant son ironie, et le pharmakon qu’elle irradie, attaquent, l’une et l’autre, les prétentions et égocentrismes du milieu poétique (le poème « Brise » le montre avec délice). Si Koch se vise-t-il aussi lui-même ? Pas même, tant il échappe à cet esprit et accepte, de sa propre recherche, qu’elle soit comme naturellement naturelle, sans effet, déceptive peut-être, mais à la hauteur de ce qu’elle est. Poésie tautologique en somme qui dit ce qu’elle dit en le disant, selon les mots de Jacques Roubaud. Par exemple ceci, qui continue la lecture de ses préoccupations poétiques : « Jean-Claude est venu dîner : il m’a dit (en parlant de “la sauce cocktail”)/C’est sûrement bon sur quelque chose mais pas là-dessus (il s’agissait d’huîtres)/ (…) L’inspiration [du poème « Cirque »] m’est en d’abord venue en me rendant à pied au bureau de poste un soir  ». E. L.

La poésie comme on respire. Poèmes 1952-2002,
Kenneth Koch
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marc Chénetier
Postface de Ron Padgett
Joca Seria, 238 pages, 18

Mon nom est personne Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°230 , février 2022.
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