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Théâtre « La connerie est partout »

septembre 2021 | Le Matricule des Anges n°226 | par Didier Garcia

Réédition du théâtre complet de Louis Calaferte (1928-1994), dans lequel le dramaturge pose sur ses semblables un regard acéré. Et sans complaisance.

Dans la galaxie que constitue l’œuvre de Louis Calaferte (seize volumes de journal, une cinquantaine de recueils de poèmes, une bonne vingtaine de récits, auxquels s’ajoutent quelques essais), le théâtre occupe une place non négligeable : 26 pièces, écrites entre 1950 et 1993 (et initialement publiées aux éditions Jacques Hesse). Des pièces qu’il a lui-même réparties en deux groupes (à l’exception de trois d’entre elles), un peu comme l’a fait Anouilh avec son œuvre théâtrale : huit « pièces intimistes » et quinze « pièces baroques ». On pourrait dire que chez Calaferte le théâtre intimiste correspond à l’univers microscopique (la cellule du couple, ou celle de la famille, où le désespoir est profondément enraciné), le théâtre baroque renvoyant à l’univers macroscopique (où l’on voit apparaître des discours volontiers anarchisants), mais il faut bien reconnaître que ces deux univers se recoupent et que bien des textes pourraient appartenir aux deux sous-genres.
Pour les lecteurs qui connaissent le Calaferte de Requiem des innocents (Julliard, 1952), ce roman qui présente l’enfance d’un zonard dans « le lupanar terrifiant de la vie », comme pour ceux qui ont fréquenté au moins un des seize volumes de son journal (les Carnets, tous publiés par l’Arpenteur, où la question de la foi est omniprésente), ce théâtre a de quoi surprendre. C’est qu’on ne s’attendait vraiment pas à y rire autant. On y rit d’à peu près tout : des vieilles rancœurs qui reviennent à l’improviste, des tiraillements qui révèlent l’homme dans ce qu’il a de plus minable, aussi bien que des délires verbaux et logorrhéiques, au sein desquels se mêlent néologismes, ritournelles ou écholalies. Pourtant, rien n’y est franchement rose. S’il faut trouver un point commun à ces vingt-six pièces, ce serait plutôt le tragique de l’existence, tel que Ionesco a pu le mettre en scène dans La Cantatrice chauve (les deux dramaturges ne sont d’ailleurs pas aussi éloignés que l’on pourrait le penser de prime abord). Un tragique qui se vit de préférence au cœur de la sphère familiale (chez Calaferte, les familles sont rarement heureuses). Dans Les Miettes (1974) par exemple, le couple Choupet et Choupette mène une existence totalement vide. Pour une fois, un soir, il se passe quelque chose : deux hommes défoncent la porte de leurs voisins de palier… « Dire que nous étions bien tranquilles, là, comme d’habitude, et qu’il a fallu qu’il y ait cette histoire », laquelle vaudra à Choupet une crise d’estomac.
Quelques pièces reposent sur un comique de situation (le grotesque n’est alors jamais très loin). Dans L’Entonnoir (1981), deux cadres supérieurs prennent un congé parental, congédient la nourrice et récupèrent leur enfant. Eux qui étaient tout à leur travail découvrent enfin les joies de l’éducation. Mais au détour d’une réplique, on apprend que l’enfant a 17 ans, ce qui ne l’empêche pas de se comporter comme un bébé (il s’appelle Bambi et ses premiers mots sont : « Rrrreuh… Rrrreuh… »). Rapidement, la situation se complique pour les parents novices… Dans Les Oiseaux (réécriture de la célèbre pièce d’Aristophane), deux hommes se rencontrent au café. Ils décident de quitter ensemble ce monde pourri. Ils partent en ballon pour tenter d’entrer « dans le monde incorruptible des Oiseaux », au plus loin de « la charognerie humaine ». Après un rapide passage par la Vallée des Délices où vivent les Sylphides du ciel (une sorte de paradis dont ils sont chassés par des vigiles peu commodes), ils se retrouvent sur l’« ineffablissime » île des oiseaux, où ils tentent d’instaurer une république, mais la gent ailée ne l’entend pas de cette oreille, car elle souhaite se venger de l’être humain qui la persécute et la chasse sans répit…
Ce théâtre fait la part belle à la mesquinerie humaine et aux sentiments les plus bas. Il est une sorte de défense et d’illustration du testament de Bonvoisin (un des deux protagonistes des Oiseaux) : « la connerie est partout ».
C’est une palette théâtrale séduisante que l’on découvre ici, avec des textes variés, toniques, toujours enlevés, et parfois jubilatoires. On y trouve même une pièce (Opéra bleu) dans laquelle un personnage se nomme Calaferte. S’il passe son temps à faire l’âne (au sens propre : « Hi han ! Hi han ! »), il n’en oublie pas de réfléchir sur ce qu’il crée. Et à ceux qui pensent que son théâtre « n’a ni queue ni tête », il répond que « c’est peut-être plus sérieux que ça n’en a l’air ». On ne saurait lui donner tort.

Didier Garcia

Théâtre, de Louis Calaferte
Éditions Tarabuste, en coffret (26 pièces, ainsi qu’un livret de présentation) 1724 p., 150 ou chaque volume à l’unité

« La connerie est partout » Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°226 , septembre 2021.
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