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Intemporels Le nom du père

juillet 2021 | Le Matricule des Anges n°225 | par Didier Garcia

Avec Les Locataires de l’été, l’Américain Charles Simmons (1924-2017) signe un récit bouleversant, qui est surtout un adieu à l’enfance.

locataires de l’été

C’est pendant l’été de 1968 que je tombai amoureux et que mon père se noya. » Un tel incipit laisse peu de suspense au lecteur. Le seul élément que cette phrase liminaire ne présente pas, c’est le cadre spatio-temporel du récit, à savoir une presqu’île située quelque part aux États-Unis, ouverte d’un côté sur l’océan, de l’autre sur une baie, une maison familiale plantée au bord de la mer (« d’un vert transparent à proximité du rivage, bleu sombre vers le large »), et un ciel « d’un bleu profond, sans le moindre nuage ». En apparence, un cadre idéal pour accueillir une histoire d’amour le temps d’une villégiature estivale. Qu’on ne s’y trompe pas : le chromo ne saura flatter que les pensées du lecteur, car l’idylle attendue aura tôt fait de virer à la tragédie.
Comme chaque année en été, Michael et ses parents abandonnent leur appartement du centre-ville pour la presqu’île, où ils disposent d’une maison héritée d’un grand-père. Cet été-là, ils louent le pavillon voisin à une mère accompagnée de sa fille. Dès que les yeux de l’adolescent, alors âgé de 15 ans, se posent sur la jeune fille, Zina, de cinq ans son aînée et d’une beauté à couper le souffle, il en tombe amoureux.
Au début de l’histoire, Michael se trouve encore du côté de l’enfance, très proche d’un père qui ne correspond « pas vraiment à l’idée que l’on se fait d’un père » (et d’une beauté un peu trop prononcée pour qu’il soit un père comme les autres), mais avec qui il a partagé de beaux moments de complicité, à bord de leur voilier l’Angela (un sloop de 7,50 mètres) et lors de parties de pêche mémorables (églefins, maquereaux, bars, truites de mer, raies pastenagues, et même un requin-marteau). Mais l’arrivée de Zina, venue reposer son œil de photographe, change brusquement la donne et le propulse sans ménagement dans un autre monde.
Si la jeune fille semble d’abord se prêter d’assez bonne grâce au jeu de la séduction, le laissant même embrasser ses lèvres à deux reprises, elle paraît ensuite peu désireuse d’aller plus loin. Un jour, elle confie à son jeune prétendant qu’elle se trouve en danger et lui demande sa protection. La nuit suivante, au cours d’un rêve, il comprend qu’elle est amoureuse. Reste à savoir de qui. Commence alors pour lui une enquête qu’il va mener tambour battant, passant d’une suspicion à une autre, avant de découvrir que son rival n’est autre que son propre père (dans un triangle amoureux qui n’annonce rien de bon). Quelques pages plus loin, une manœuvre un peu brusque à bord de l’Angela précipite ce père à la mer et donne une mort accidentelle à celui qui lui avait présenté l’amour comme « un truc magique parce qu’on fait quelque chose à partir de rien ».
Pour Michael, l’été 1968 aura donc été celui de la perte de l’innocence. Pour ce qui est de la manière, cela s’apparente à un uppercut.
Âgé de 44 ans lorsqu’il entreprend la narration rétrospective de son drame (la perte d’un père en même temps qu’une blessure amoureuse), Michael laisse son récit progresser au gré des invitations que chacun se rend, tantôt chez ses parents, tantôt chez la mère de Zina, tout en faisant alterner bains de soleil, baignades et sorties en mer. Ce sont ainsi de brefs épisodes qui se succèdent, dans ce qui fait songer à une construction théâtrale : les personnages entrent sur scène le temps d’un chapitre (une douzaine de pages tout au plus), pour quelques échanges, puis ressortent, aussitôt remplacés par d’autres personnages, certains ne jouant d’ailleurs que les seconds couteaux (en dehors des fêtes qui scandent l’été, comme celle permettant de célébrer le Labor Day, qui est pour la saison chaude une sorte de glas, ils sont rarement plus de trois en même temps).
À la fin de sa reconstitution narrative, trente ans après les faits, Michael confie être toujours un enfant. Mais si l’on doit tenir Les Locataires de l’été (publié en 1997) pour un récit initiatique, il faut bien reconnaître que l’addition est salée pour l’adolescent, et que son bonheur aura vraiment été de courte durée.
Livré au lecteur sans la moindre analyse, et surtout sans morale (on ne sait trop quoi penser de tout cela, sinon que l’accident ressemble fort à un acte manqué, et l’on se demande à quoi rime une telle violence), ce récit possède des accents profondément tragiques. En croyant trouver l’amour, Michael a découvert la brûlure du désir, la complexité de l’âme humaine (à commencer par celle de son père), et avec elle l’univers des adultes. Cela fait trois révélations d’un seul coup. Qui sont sans doute autant de traumatismes.

Didier Garcia

Les Locataires de l’été,
Charles Simmons
traduit de l’anglais (États-Unis) par Éric Chédaille
Libretto, 192 p., 8,10

Le nom du père Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°225 , juillet 2021.
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