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Domaine français À fleur de peau

juin 2020 | Le Matricule des Anges n°214 | par Anthony Dufraisse

Enquête mémorielle aux lignes fuyantes, le deuxième roman d’Aliona Gloukhova est une profonde réflexion sur la notion d’appartenance.

De l’autre côté de la peau

La narratrice comprenant qu’elle est pleinement impliquée dans l’histoire qu’elle raconte : « Ce qui était au début pour moi une tentative d’organiser des informations disparates concernant les mois qu’Ana a passés à Saint-Pétersbourg s’est vite transformé en esquisse d’histoire. Pour parler d’Ana il fallait être impliquée, Ana n’aurait pas supporté un regard neutre et désintéressé. » Ailleurs, le constat d’implication totale se confirme : « Je n’ai jamais connu Ana, mais je raconte son histoire, comme si Ana était mon amie. » Voilà deux extraits qui laissent à penser que cette Ana est le personnage principal de ce roman, le deuxième d’Aliona Gloukhova, Biélorusse née en 1984 (originaire de Minsk) qui a fait du français sa langue d’adoption. En un sens elle en est le point fixe, la force d’attraction mais elle en est aussi, dans le même temps, l’onde centrifuge. Plus la narratrice veut s’approcher de cette source, plus celle-ci semble s’éloigner, se démultiplier, innervant un réseau souterrain de correspondances et de questions sans réponse.
Après Dans l’eau je suis chez moi (Verticales, 2018), premier roman qui déjà faisait fond sur le travail du souvenir, ce nouveau livre apparaît comme une enquête mémorielle et sensorielle. Désireuse d’en savoir plus sur le très méconnu écrivain russe Guennadi Gor (1907-1981), la narratrice découvre par hasard les travaux d’Ana, une jeune chercheuse portugaise qui s’est comme volatilisée au tournant des années 2000 quelque part en Biélorussie (tiens, tiens…) et qui a signé une thèse sur ce même Gor. Au fur et à mesure de ses recherches, elle dévoilera peu à peu des pans de ces deux existences croisées. En assemblant les pièces de ce double puzzle dont les contours paraissent instables, labiles, mobiles, Aliona Gloukhova signe un récit émouvant, qui nous entraîne doucement dans une galerie des glaces. Car ce livre-là est un troublant jeu de miroirs, où ces derniers sont voilés, étoilés, sans tain parfois. La cinquantaine de chapitres peut dès lors se considérer comme une succession de reflets éclatés. Ce pouvoir réfléchissant de l’histoire, qui se traduit par une superposition constante des trajectoires, fait d’Ana et de la narratrice des compagnes de route, comme on dit compagnons de route. À moins qu’il ne s’agisse plutôt d’un déroutement, la vie de la narratrice prenant un sens différent, trouvant une nouvelle raison de vivre disons, au contact spéculaire d’Ana. Contact : le mot est important car Aliona Gloukhova joue sans cesse d’une forme de mimétisme entre l’une et l’autre. Les écrits intimes d’Ana, dans lesquels la narratrice s’immerge en permanence ou plus exactement dont elle s’imprègne, se nourrit, ont quelque chose d’une poche de sang. Les extraits tirés des carnets fonctionnent en effet, dirait-on, comme une perfusion d’encre à jet continu. Citations-transfusion. En entremêlant ces voix de femmes à celle, en plus, du poète russe, Aliona Gloukhova veut-elle nous signifier le risque (ou la tentation) de la dépersonnalisation tapi en chacun de nous ou, au contraire, notre profonde ressource d’empathie ?
Quoi qu’il en soit, en se glissant dans la peau de cette jeune femme qui l’a précédée dans la découverte de Guennadi Gor, la narratrice porte-voix d’Aliona Gloukhova analyse avec poésie, et avec une sensibilité exacerbée, ses sentiments et ses émotions. Et nous invite à une profonde réflexion sur la notion d’appartenance (à soi et au monde). Un vrai ballet d’ombres, de fantômes et de silhouettes plus ou moins muettes, donc, que ce roman. « J’imagine Ana, sans valise, elle regarde la lune ou le ciel, son manteau ouvert. J’imagine des traces dans la neige, des coupures sur un tissu, des itinéraires inscrits de l’autre côté de la peau ». La langue à l’œuvre n’est-elle pas, au fond, un itinéraire de soi vers le monde ou du monde à travers soi ?

Anthony Dufraisse

De l’autre côté de la peau, d’Aliona Gloukhova
Verticales, 142 pages, 13,50

À fleur de peau Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°214 , juin 2020.
LMDA papier n°214
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