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Poésie Échographies du présent

mai 2020 | Le Matricule des Anges n°212-213 | par Christine Plantec

Yann Miralles explore le lien entre des formes poétiques anciennes et leur inscription dans l’aujourd’hui. Entre ultrason, rythme et inventivité.

Eblouissement est un bon mot pour commencer. » Ainsi s’ouvre le cinquième livre de Yann Miralles, né en 1981. Une crête lumineuse en forme d’alexandrin dont le rythme ternaire annonce trois sections d’apparence dissemblable – une grande ville, un fleuve, un visage – et pourtant trois réalités propices à l’exploration du présent. Éblouissement est un bon mot qui pose l’enjeu de l’ouvrage, tout autant que son risque et sa démesure tant les moyens du poème semblent dérisoires. Et pourtant cela fonctionne à merveille, car d’emblée le rythme nous emporte et « le rêve d’un poème pulsation » se fait immédiatement expérience pour le lecteur.
Depuis le 18e étage d’un building new-yorkais, le corps s’abandonne aux sons de la machine, infrabasses techno, nappes, boucles samplées, « le corps/ continué comme parole coulant/ & hachée/ & que poursuivre/ ensemble/ la danse/ solitaire des mots/ ensemble ». Un présent manifeste, une présence à soi hors les mots et tout à coup « Ô toi soudain brune dans le robotique », « sur le muret commence/ une histoire/ là comme jour s’ouvre », un nous s’élabore, se formule et continue « jusqu’à/ & même/ aujourd’hui ». La première section se referme sur l’image de cet instant pur, sur le rythme de la danse au diapason du rythme des saisons qui, depuis cette rencontre amoureuse, s’est écoulé. « Le mouvement déclenchement des mots/ qu’ils font » écrivait déjà Yann Miralles dans Jondura, Jondura, prix Voronca 2010. Des fragments sonnent parfois comme des oracles. Et dans Hui, plus que dans les précédents livres, une tension saisit le lecteur, le maintient en état de veille joyeuse, l’invite à se mouvoir dans l’épaisseur de la langue : « musique de creusement/ de cris/ lointains atténués/ de pas perdus/ de rouler : longuement sur les routes/ longues de la nuit./ de paysages (…)/ oui musique comme un souffle/ creuse et amplifie/ l’espace immense de la nuit ».
Dou rose, deuxième temps de l’ouvrage, est l’horizontal du mouvement et ses lignes de fuite. Ponctué d’un rythme plus ample que celui de la grande ville étrangère, il dit le Rhône en tant que lieu familier. Mais de quel Rhône s’agit-il ? Si le fleuve n’est plus celui qui charriait bêtes et hommes du temps où Frédéric Mistral en contait l’heure de gloire, « le fleuve charrie encore/ un tas de choses mortes, métaphores, phrases/ frayant ou pas, les récits/ stagnent ou se déposent au fond – deviennent lézard », il est le lieu d’une dévastation économique, écologique, sociale. Mais le poemo dou rose d’aujourd’hui est aussi un palimpseste qui dans sa forme actualisée fait entendre le titre du livre – Hui – d’une manière encore nouvelle car si l’œil associe ce monosyllabe à l’adverbe de temps, l’oreille entend le Oui que la sauvageonne Anglore et son Prince du second millénaire échangèrent : « on passe/ à ce qui vient qui est déjà/ du plein présent : poésie/ en forme de rose offerte ».
La section 3, intitulée Ahora, dit l’arrivée de l’enfant, « aujourd’hui. c’est quand/ voix & visage coïncident », c’est « le réel maximal » signifié par un cri. Hui n’est plus ici l’adverbe de temps, ni l’affirmation d’un consentement, il est l’une des formes du verbe Huir qui renvoie au cri de l’oiseau, ce bruit déchirant de l’enfant lorsque l’air pénètre dans ses poumons pour la première fois. Si sur des fichiers mp3 sont fixés les différents cris du nourrisson, de l’autre « maintenant le cri/ fait craquer le mot maintenant. Il caracole coule – cri vertical qui s’articule au déploiement devant/ & au-delà : il fait le mot devenir phrase/ devenir/ ta voix ». La machine ne s’oppose pas à l’homme ici, elle y montre simplement ses limites lorsque l’entrée de l’enfant dans la langue articulée non seulement rayonne mais en « réinitialise » le rapport pour le poète. On se dit alors qu’éblouissement est un bon mot pour finir. Bien plus qu’un état passager, il est un horizon serein et lumineux.

Christine Plantec

Hui, de Yann Miralles
Éditions Unes, 64 pages, 16

Échographies du présent Par Christine Plantec
Le Matricule des Anges n°212-213 , mai 2020.
LMDA papier n°212-213
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LMDA PDF n°212-213
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