Si l’on se plaît à penser la filière du livre comme un monde harmonieux où s’échangent de manière policée les idées les plus gracieuses, on n’aura probablement qu’un terrible bourdon en sortant de la lecture du petit ouvrage de l’Association pour le livre écologique intitulé Le Livre peut-il être écologique ? Tout dans ce travail collectif démontre que « le livre » n’est pas une communauté d’individus aux intentions pacifiques et généreuses mais une filière économique et lourdement industrielle guidée par le profit. Et ça n’est pas « l’interprofession » frappée du syndrome de Stockholm qui va nous dire le contraire : qu’a-t-elle trouvé pour sauvegarder les intermittents, correcteurs et autres petits métiers du secteur, un lumpenproletriat éradiqué depuis plusieurs lustres déjà ? La question écologique se pose d’autant plus à la filière du livre tout entière au sens large, social, intellectuel et sous ses trois formes : l’écologie matérielle, l’écologie sociale et l’écologie symbolique ou de contenu. L’enjeu est là : « Avant que les institutions publiques et les “gros joueurs” n’ajoutent une pastille verte ou un autocollant “bio” sur des livres, nous souhaitons proposer une autre démarche, une manière à la fois alternative et complexe de penser les liens entre l’écologie et le livre. » Sont évoquées ici la nouvelle bibliothéconomie qu’il reste à forger (Dewey, au travail !) et les questions qui taraudent le milieu avec, au premier chef, la surproduction induite par un mode de commercialisation inepte et ses conséquences que sont le pilon et d’odieux gaspillages. De papier pour commencer (7 % de la consommation nationale). À ce propos, un forestier du WWF France, Daniel Vallauri, peint l’attitude désinvolte des acteurs dans ses précédentes études : Les Livres de la jungle. L’édition Jeunesse française abîme-t-elle les forêts ? (2018) et Vers une économique plus circulaire dans le livre ? (2019). Si la filière du livre se préoccupe peu d’écologie, l’écologie a l’édition dans le viseur. Et les sujets ne manquent pas : plastique, poids carbone, métaux lourds dans les encres, etc.
E. D.
Le Livre est-il écologique ? Matériels, artisans, fictions
Association pour l’écologie du livre,
WildProject, 112 pages, 9 €
Essais Un livre écologique ?
mai 2020 | Le Matricule des Anges n°212-213
| par
Éric Dussert
Un livre
Un livre écologique ?
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°212-213
, mai 2020.