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Domaine français De jeunes gays en colère

juillet 2019 | Le Matricule des Anges n°205 | par Catherine Simon

L’homosexualité n’est plus un sujet tabou en Afrique. La preuve en deux récits.

La Chambre de l’araignée

Pas de quoi remplir les rayons d’une bibliothèque, mais quand même : nés en Égypte, en Algérie ou au Sénégal, des écrivains « du Sud », originaires de pays à dominante musulmane, osent aborder le thème de l’homosexualité et décrire la répression dont les gays sont la cible. Leurs héros, fait nouveau, sont de jeunes gens en colère – et plus (ou plus seulement) des victimes.
Dernier en date : Brahim Metiba, auteur algérien installé en France. Son court récit, Tu reviendras, met en scène un homme mûr, vivant à Paris, qui décide, après une longue absence, de retourner en Algérie et de rendre visite aux siens. Une visite peu ordinaire : la dernière fois qu’il a vu sa famille, le narrateur (dont on ne saura pas le nom) a fait son coming out. Catastrophe ! « L’islam est incompatible avec l’homosexualité et donc avec ma propre personne », résume-t-il. Ce que sa chère famille lui a signifié sans détour : qu’il ait parlé sans honte a été vécu comme « un drame pour certains, une trahison pour d’autres ». Les années ont passé. Le père, qui, depuis, refuse d’adresser la parole à son rejeton, tombe malade. Le fils maudit décide alors, « avant qu’il soit trop tard », de retourner à Skikda, sa ville natale. Le temps du voyage, l’homme tient son journal – lequel donne sa forme au récit.
Curieusement, ce n’est pas à Alger ni à Paris que ce témoignage a été publié, mais à Tunis, par Elyzad, la grande petite maison d’Élisabeth Daldoul. Disponible en Tunisie et en France, Tu reviendras ne l’est pas en Algérie. Dommage. Le profond conservatisme des sociétés maghrébines, que les belles manifestations algéroises, pleines d’ardeur et d’apparente bonhomie, tendent à éclipser, est ici rappelé sans emphase. S’il était resté « au pays », le héros de Brahim Matiba aurait peut-être fini, en vrai, comme Assil Belalta, étudiant en médecine, égorgé dans sa chambre universitaire de Ben Aknoun, en février dernier, quelques jours avant l’envol contestataire des rues algériennes ? L’assassin avait pris soin d’écrire « he is gay » sur le mur, avec le sang de sa victime, signant ainsi son crime.
Dans La Chambre de l’araignée, roman égyptien traduit chez Actes Sud, le héros-narrateur est également un homme. Rappelons qu’en littérature, au sud de la Méditerranée comme au nord, les personnages de lesbiennes demeurent – faut-il s’en étonner ? – des oiseaux rares. Il est vrai que ce sont des hommes, qui ont été raflés, en mai 2001, au Caire, par la police : cinquante-deux hommes, exactement, arrêtés à bord du Queen Boat, un bar flottant sur le Nil. Inculpés d’outrage aux bonnes mœurs et d’hérésie, la plupart passeront en prison plusieurs mois d’incessantes humiliations. De ce drame, Mohammed Abdelnabi a fait un roman. Quand il sort de détention, Hani, son héros, a perdu la parole. Mais pas l’envie de dire – et d’écrire. La Chambre de l’araignée (publié en 2016, au Caire) est le portrait d’une ville, d’une enfance, de ses coulisses. Un beau texte, plein de bravoure et d’humilité.
Courageux également, écrit avec une grande élégance, De purs hommes de Mohamed Mbougar Sarr, avait déjà donné le la. C’est sa propre société, empêtrée dans de mortelles contradictions, que le jeune romancier explore. C’est elle, la société sénégalaise, la monstrueuse héroïne de ce livre. Le narrateur n’est pas homo. Militant, moins encore. Mais la haine qu’il découvre, le jour où une horde de braves quidams entreprend de déterrer le cadavre d’un homme, accusé d’avoir été homosexuel, va bouleverser sa vie et sa vision du monde.
C’est en France, chez Philippe Rey, que ce roman intrépide et délicat a été édité en 2018 – et non au Sénégal, où il reste introuvable. Mohamed Mbougar Sarr a fait, à sa discrète manière, œuvre pionnière. D’autres Africains avant lui ont brisé le silence – du Kényan Binyavanga Wainaina, récemment disparu, au Zimbabwéen exilé Tendai Huchu, sans oublier la Nigériane Chinelo Okparanta, installée aux États-Unis.

Catherine Simon

Tu reviendras, de Brahim Metiba,
Elyzad, 96 pages, 13
La Chambre de l’araignée, de Mohammed Abdelnabi
traduit de l’arabe par Gilles Gauthier,
Actes Sud/Sindbad, 320 pages, 22,50

De jeunes gays en colère Par Catherine Simon
Le Matricule des Anges n°205 , juillet 2019.
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