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Domaine français Père et repère

février 2019 | Le Matricule des Anges n°200 | par Camille Decisier

Hommage à la figure ambiguë du père, le nouveau roman d’Erwan Desplanques livre une réflexion intimiste et aboutie sur la vie et la mort.

L' Amérique derrière moi

à l’origine du récit, une boucle : deux révélations qui s’entrecroisent, quasi simultanées. Le narrateur apprend la condamnation de son père, gravement malade, et, presque dans un même mouvement, l’imminence de sa propre paternité. « Il ne m’échappait pas que ces deux horizons cohabitaient, se fondaient l’un dans l’autre, et qu’il me faudrait suivre deux croissances simultanées, celles d’une tumeur et d’un embryon qui aboutiraient aux résultats opposés, une mort et une naissance, deux réalités jumelles circonscrivant la totalité du cercle et qui, avec la célérité d’un tour de passe-passe, signeraient la disparition d’un père et l’apparition concomitante d’un fils. » Ce cheminement, dû au hasard, dans les univers paradoxalement proches de la création et de la perte (univers qui ne se rejoindront jamais, la mort de l’un survenant avant la naissance de l’autre), Erwan Desplanques a la délicatesse, pourtant, de ne pas en faire le fil rouge du récit. L’Amérique derrière moi est le livre du père, bien davantage que celui du devenir-père. Si le deuil est un apprentissage permanent de l’absence, ou plutôt de la présence effacée, mise « derrière soi », c’est au pater qu’il est ici rendu hommage, à la figure tendre et tyrannique, burlesque et indéchiffrable, de cet homme qui passa sa vie à vouloir être un héros américain. Né à Reims deux ans avant la fin de la guerre, dans cette ville qui allait être libérée par les troupes du général Patton et où germèrent les premières graines du jazz, il emmène ses fils tirer au Revolver Club et collectionne les armes à feu, ainsi que les véhicules militaires grandeur nature qu’il sort le samedi pour parader dans le centre-ville. La vaste demeure familiale se transforme peu à peu en enclave américaine, à la frontière du culte et de la parodie : « Il portait les chaussettes officielles de la Maison Blanche, dont le blason ornait jusqu’à nos tapis de bain. » Une fascination qu’il tente par tous les moyens d’inoculer à ses fils, souvent maladroitement, comme lors de ces vacances américaines, « censées marquer l’apogée d’un désir commun (mais qui) n’avaient contribué qu’à attiser nos égoïsmes respectifs », et qui se soldent par une bagarre familiale en règle sur un trottoir de Miami.
Devenu adulte et installé (enfermé serait plus juste) à Paris par nécessité professionnelle, le narrateur navigue à vue entre deux espaces temporels : la projection vers l’âge adulte, inauguré par la perte d’un des géniteurs et par la mise au monde d’une descendance, et sa jeunesse, symbolisée par le groupe de rock avec qui il s’efforce de continuer les tournées et qui contient soudain, métonymiquement, son propre déchirement : « Nous étions trop vieux pour réussir, trop jeunes pour renoncer. » La mort du père ne représente pas qu’une disparition, elle est aussi la charnière d’un nouvel ordre des choses : vente de la maison familiale, métamorphose de la mère qui se met tout doucement à vaciller dans cette étrange liberté ouverte par le deuil, et puis mise à distance, transfiguration de l’Amérique paternelle toute confite de fantasme et d’idéalisme : lorsque le narrateur, « devenu journaliste pour (se) laver du mensonge, puis romancier pour (se) délivrer du journalisme », y retourne après la mort de son père, c’est pour y prendre des décisions radicales et mettre enfin derrière lui cette fable envahissante qui a, pourtant, contribué à faire de lui l’homme qu’il est devenu.
C’est le choix, peut-être imposé par l’hypothèse autobiographique, d’une écriture précise, dépouillée de tout superflu, concentrée sur une sincérité souvent intransigeante, qui donne à L’Amérique derrière moi un souffle poétique particulier et en fait bien plus qu’un simple confiteor. Après un premier roman (Si j’y suis) et un recueil de nouvelles (Une chance unique), Erwan Desplanques confirme son talent de prosateur avec ce troisième ouvrage qui pourrait bien être celui de la maturité.

Camille Decisier

L’Amérique derrière moi,
d’Erwan Desplanques
Éditions de l’Olivier, 172 pages, 16

Père et repère Par Camille Decisier
Le Matricule des Anges n°200 , février 2019.
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