Chez D.W. Wilson on parle peu. On se confie moins encore. On s’aime, sans le dire. Son univers est masculin, silencieux, âpre, douloureux aussi. Il y a des pères, des fils, qui perdent leurs mots. Des femmes dont le sourire échoue parfois à percer les carapaces. Des amitiés d’adolescences brisées par la vie. Il y a une vraie tendresse chez Wilson, qui livre sans fard ses personnages cabossés, en quête de rédemption, d’une deuxième chance, simplement d’un peu d’oubli ou au contraire d’un moment d’attention. Il y a dans chacune de ses douze nouvelles un sentiment, une émotion qui lui permet d’aller au-delà du simple portrait d’hommes rudes et taiseux.
Et peu importe. Ce qu’ils boivent, ce qu’ils bagarrent, ces ratés dans leurs vies, ces absences. Chez les Crease, on comprend le père, officier de police, qui rêve d’un ailleurs pour son fils. Et ne parvient pas à le lui expliquer. Pourquoi, comment. Il n’y aura pas d’ailleurs. On comprend ces couples qui s’égarent. La faute à pas de chance. À trop de non-dits. Ces gamins qui grandissent sur le tas, pas forcément très droit. Wilson raconte ce coin de Colombie-Britannique, Invermere, dans la Kootenay Valley et il suffit d’aller voir pour comprendre. Les forêts, les montagnes, le lac, l’immensité. On y vit à l’image du paysage, et ce n’est pas rien dire. On meurt chez Wilson, on est blessé, on échoue, on pleure. Et parfois, petit miracle, on se trouve, se retrouve, certains parviennent à prendre ce temps dont ils ont besoin pour simplement s’écouter.
Les personnages se croisent et se recroisent, la ville est petite, la vallée déserte, et ce qui paraît au premier abord un recueil de nouvelles forme en réalité un puzzle composite. Les textes se font écho, on y lit la vie comme elle coule, au fil des rencontres et du temps qui passe. D.W. Wilson portraiture sa vallée avec grâce, et talent. Chacun de ses textes est une petite pépite, un moment suspendu, en un lieu improbable.
Julie Coutu
La Souplesse des os de D.W.Wilson
Traduit de l’anglais (Canada) par Madeleine Nasalik, L’Olivier, 272 pages, 23 €
Domaine étranger La Souplesse des os
novembre 2018 | Le Matricule des Anges n°198
| par
Julie Coutu
Un livre
Par
Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°198
, novembre 2018.