Fauchée, à seulement 33 ans. C’était en 2016 : la photographe et vidéaste franco-marocaine Leila Alaoui était mortellement blessée dans un attentat au Burkina. Elle faisait alors un reportage à Ouagadougou pour le compte d’Amnesty International. Restent ses photos et notamment cette série de portraits réalisés entre 2010 et 2014, intitulée Les Marocains, en lointain écho aux Américains de Robert Franck, une de ses sources d’inspiration avec Richard Avedon. Montré à Paris il y a deux ans, ce travail, fruit d’une itinérance dans le Maroc rural, fait aujourd’hui l’objet d’une expo au musée Yves Saint Laurent de Marrakech. C’est avec cette institution qu’Hermann coédite ce catalogue où figure une trentaine de portraits de diverses communautés, arabes et berbères. Où un regard superficiel verrait exotisme et folklore, il faut plutôt voir une valorisation documentaire, « une archive visuelle des traditions et des univers esthétiques marocains qui tendent à disparaître sous les effets de la mondialisation », insistait Leila Alaoui. Dans son studio mobile, devant son objectif, anciens et jeunes, hommes, femmes et enfants auront défilé pour poser dans la fierté de leur singularité costumée. « Épiphanie des visages », s’émerveille le commissaire d’exposition Guillaume de Sardes, qui souligne à raison « la forte dimension picturale des images ». Pour Björn Dahlström, le directeur du musée, Leila Alaoui aura ici sublimé l’ethnographie. À n’en pas douter ce travail atteste d’un regard avide de célébrer artistement la pluralité d’un pays.
Anthony Dufraisse
Les Marocains, de Leila Alaoui, Musée YSL Marrakech/ Hermann, 64 pages, 20 €
Arts et lettres Les Marocains
octobre 2018 | Le Matricule des Anges n°197
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Le Matricule des Anges n°197
, octobre 2018.