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En grande surface Elle rentrait, c’était pareil

février 2018 | Le Matricule des Anges n°190 | par Pierre Mondot

Platini, Larios. Ces deux noms dominent le football français au début des années 80. Leurs chemins se croisent à Saint-Étienne. Le premier arrive de Nancy, le second revient de Bastia. Presque une chanson de Fugain. Michel, petit-fils d’immigrés italiens, a vécu en Lorraine une enfance sans histoire, loin des mines et des hauts-fourneaux en un temps où les tensions entre ritals et autochtones se sont apaisées. Jean-François a vu le jour à Sidi Bel Abbès, au sud d’Oran, mais quitte le sol natal à 6 ans, en catastrophe : « des membres du FLN étaient venus dans la maison voisine pendre une femme de soixante-dix ans. Je l’ai vue accrochée au bout d’une corde ». Avant de s’installer à Pau, la famille séjourne à Belfort : « La nuit, on chialait de froid ». L’enfant découvre l’école, la cruauté des cours de récréation : « Sale pied-noir ! » L’inconscient parfois agit en alchimiste et dans son alambic, transmue en or le charbon associé à ses pas, retourne l’offense en vocation.
Tout oppose les deux hommes. Platini est fragile. Plus jeune, le club de Metz l’a refusé en raison d’une insuffisance respiratoire. Larios mesure un mètre quatre-vingt-sept, pour quatre-vingts kilos. Un colosse. L’allure espiègle et les boucles brunes du Lorrain enchantent les dames, la beauté patibulaire du Béarnais les sidère. Et quand Platini vante à la télévision les vertus énergisantes d’une boisson aux fruits, Larios, dans un coin du vestiaire, s’enfile du Captagon, « un stimulant de la famille des amphétamines, qui comprend notamment la méthamphétamine et l’ecstasy », mais « bousille aussi les neurones ».
L’addition de ces deux talents, que les commentateurs imaginaient explosive, se révèle un pétard mouillé. Au point que Georges Marchais s’en émeuve publiquement après une élimination précoce en coupe d’Europe : « Il y a une mauvaise entente entre Larios et Platini. » Il a raison : leur approche du jeu semble irréconciliable. L’un caresse le ballon, l’autre le foule, pratique un football reptilien, avec des réflexes de joueur de soule : « Sur l’action suivante, je suis allé tacler Umberto Barberis (…) et je lui ai ouvert le tibia sur toute la longueur ».
Le secrétaire du PCF ne fut jamais aussi clairvoyant, car au même moment, Jean-François a rencontré « Yeux bleus ». C’est par cette métonymie de chef scout que le joueur désigne la femme de son coéquipier dans son autobiographie, J’ai joué avec le feu. La liaison dure deux ans. Jusqu’au mois de mai 1982, date à laquelle un journaliste de Libération publie le scoop. Décidément, la gauche lui en veut.
L’idylle ne résiste pas à la publicité. Depuis les révélations de la presse, Platini vit un calvaire sur le terrain. Au Royaume du Championnat de France, il est devenu le marquis de Montespan. « Cocu ! » scandent les foules sentimentales dès qu’il touche le ballon. Ne manquent que les bois de cerf sur le bus de l’équipe. C’en est trop. Le numéro dix somme son épouse de choisir : la Loire avec son amant ou le Piémont avec lui. Les pages du catalogue Manufrance ou celles du calendrier Pirelli. Vite vu.
Au moment où les deux garçons partent disputer la coupe du monde en Espagne, Jeff a « le cœur brisé ». Le capitaine de l’équipe de France profite d’un revers contre l’Angleterre lors du premier match pour reprendre l’ascendant. Il impose au sélectionneur la mise à l’écart de son rival jusqu’à la fin de la compétition. C’est depuis les tribunes que l’amant éconduit assiste à la défaite contre l’Allemagne. Sa participation aurait pourtant inversé le cours de l’histoire : « Croyez-moi (…) j’aurais mis deux ou trois avoinées aux Allemands et on aurait gagné cette demi-finale ». De retour au pays, les rôles sont redistribués : il y a un héros et un salaud. La carrière de Larios est terminée. Remercié par Saint-Étienne l’hiver suivant, il enchaîne ensuite les blessures, erre de club en club sans jamais rattraper la gloire.
Loin des stades, le joueur ressasse. Réalise que son destin vraiment n’a tenu à rien. Des poteaux effleurés, des faux rebonds, des erreurs d’arbitrage. Un peu partout des nez de Cléopâtre. Aussi décide-t-il d’affronter le dieu Hasard en son temple, et, lâchant le ballon pour la bille, écume les casinos. Se lance dans une quête folle de la martingale : « je me suis acheté ma propre roulette, à mon arrivée à Lyon, en 1984. Pendant deux ans, je l’ai fait tourner chez moi durant la nuit. Avec Alain Migliaccio, (…) on notait les cycles ». Sans surprise, c’est une nouvelle défaite.
Larios, Platini. L’un brûle de sa folie du jeu. La passion du pouvoir consume l’autre. Match nul ?

Elle rentrait, c’était pareil Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°190 , février 2018.
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