C’est l’histoire d’une rencontre entre petite et grande Histoire. L’universelle et la discrète. Celle qu’on connaît trop bien et celle qui ne se laisse approcher, découvrir, que par bribes, morceau après morceau. Celle qui s’impose et celle qui demande patience, temps, enquête. Avec Ces rêves qu’on piétine, Sébastien Spitzer s’attache à la mémoire, au poids des souvenirs, réinvente Magdalena Goebbels en cherchant à retrouver ses pensées, ses mots, et en parallèle, en redonnant vie à son père adoptif, l’anonyme Richard Friedländer. Suivre un fil historique et lui donner du corps : « Il reste tant de zones d’ombre. J’ai valsé avec les faits, dans une danse à deux, collés, main dans la main. Flirter du mieux possible avec le vraisemblable pour imaginer le reste, tout ce que l’Histoire néglige, tout ce à quoi n’étaient pas destinés les milliards de mots publiés, gratter sous les décombres, astiquer les consciences pour tenter de faire jaillir quelques mauvais génies, certaines arrière- pensées, vraisemblables, toujours vraisemblables. It takes two to tango. »
Sébastien Spitzer imagine. Par-delà le fait brut – exodes, marches de prisonniers, granges brûlées –, il invente Fela et sa fillette muette, Ava, née dans un camp, enfermée dans ses ombres. Ava et son sac en bandoulière, avec ses lettres, à l’intérieur. Les lettres d’un certain Richard Friedländer, toutes adressées à Ma fille, qui ne répond jamais. Alors que le régime vacille, prêt à s’écrouler, Magda Goebbels et les derniers proches d’Hitler encore à Berlin descendent s’enterrer vivants. L’Armée rouge est proche. La ville sous les bombes. Le récit de Sébastien Spitzer donne voix aux silences en creux des témoignages, des récits, des journaux, des travaux des biographes ou des historiens. Les personnages qu’il invente rendent plus réels, plus tangibles, ceux qui ont vécu. Sa version est une, parmi les possibles. On a envie de la croire.
Julie Coutu
Éditions de l’Observatoire, 304 p., 20 €
Domaine français Ces rêves qu’on piétine de Sébastien Spitzer
septembre 2017 | Le Matricule des Anges n°186
| par
Julie Coutu
Un livre
Ces rêves qu’on piétine de Sébastien Spitzer
Par
Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°186
, septembre 2017.