Marseille connaît depuis quelques années un renouveau éditorial remarquable. Après Wildproject que nous évoquions il y a quelques mois, voici les éditions Gaussen qui célébreront bientôt leur première décennie d’existence. Autour de l’histoire, de l’histoire locale en particulier, des interrogations relatives à l’urbanité contemporaine et de la littérature, David Gaussen a constitué un catalogue où sont brassées les questions qui prévalent autour du Vieux-Port et un passé d’une richesse indéniable. Depuis la figure de la comtesse Lily Pastré, qui accueillait les artistes au moment où l’arrivée des nazis en France les chassait vers le Sud, jusqu’à celles, mythiques, de la Tarasque ou bien encore de la Bête du Gévaudan dont le fameux DJ Kheops collectionne les apparitions imprimées depuis longtemps, c’est tout l’univers de la Provence et du Sud qui s’exprime dans des tonalités variées.
Historien de formation – il est l’auteur d’un essai constructif sur L’Invention de l’Histoire (2016) que l’on ne peut que conseiller à tous ceux qui s’intéressent à la fabrique de l’histoire dont Patrick Boucheron porte haut l’exigence –, David Gaussen a depuis longtemps associé George Sand et Paul Arène à ses « Musées de l’imaginaire », collection illustrée qui explore le folklore, aux pages d’un Joseph Méry ou à ce magnifique Dictionnaire des écrivains marseillais passant au crible la création littéraire d’une ville qui appartient à cette catégorie spécifiquement bouillonnante des grandes villes portuaires de la Méditerranée. Mais contrairement à Istanbul, Alger, Naples ou Barcelone, c’est bien de Marseille que nous viennent Francis de Miomandre, Marcel Pagnol, Jean Prieur ou Régis Jauffret…
Vous avez commencé votre carrière d’éditeur à Paris. Qu’est-ce que vous avez trouvé à Marseille dont vous ne disposiez pas dans la Capitale ?
Ce serait assez présomptueux de dire que j’ai commencé une « carrière » d’éditeur à Paris. Ma toute première expérience éditoriale, sous le nom d’éditions du Cardinal, était assez désordonnée. J’avais simplement envie de faire des livres et il se trouve que j’avais autour de moi des gens talentueux. J’ai donc commencé à éditer mes amis, mais sans ligne directrice bien affirmée : j’ai aussi bien édité les premières pièces du dramaturge Hervé Blutsch magnifiquement illustrées par Jake Raynal (et depuis traduites et jouées dans plusieurs langues) que la revue du dessinateur Yvang, bien avant qu’il ne s’exprime sous l’identité de Samplerman, ou encore le photographe de rue Alexandre Resovaglio. Il y avait beaucoup de fiction (y compris de rééditions comme celles de Jean-Jacques Brousson, Gisèle Prassinos ou René-Louis Doyon), mais sincèrement je ne pense pas avoir la vocation d’un éditeur de fiction. Tout ça était sympathique mais assez incohérent et finalement financièrement désastreux (malgré le soutien d’une poignée de fidèles : j’avais institué un système assez original d’abonnement). Donc ce dont...
Éditeur Massilia book system
juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185
| par
Éric Dussert
Depuis la bête du Gévaudan jusqu’aux écrivains locaux, les éditions Gaussen décryptent un milieu propice à la création. Retour sur expérience.
Un éditeur