Disons-le d’emblée, La Femme brouillon est un remède salvateur à la « littérature » d’experts en maternité, qui prétend combler la question de la parentalité. Parce que dans son genre hybride, le cinquième ouvrage d’Amandine Dhée dit la pluralité, la diversité des êtres, l’échec d’une parole qui prétendrait circonscrire ce qui est de l’ordre de l’indicible. C’est un récit intimiste sur le basculement du corps, de l’âme, et un essai philosophique, qui ne s’interdit ni la poésie – « Pour toujours, nous sommes suspendus à cette vie qui hésite. » et surtout pas l’humour. C’est un cri qui sourd de ce ventre qui grossit – « Suis-je la seule à penser à Alien ? » – traversé de questionnements, de refus, d’abdications, pour mieux se trouver. Au fil de ce journal de bord, la narratrice s’affronte à une société qui compartimente – « c’est lorsque l’on est fragile que la norme nous attrape le mieux. » –, revisite son enfance, découvre ce rapport inédit à l’autre qui est en soi mais qui est un autre. « Jamais, réalise-t-elle, je n’ai été si disponible à quelqu’un ». La phrase suit ce processus à la fois distancié et passionnel, cet écartèlement permanent. Des phrases courtes pour dire l’éclatement, le tiraillement entre les projections de la société – « femme-lézard », « maman-coussin » – et l’individualité. « N’ai-je pas trahi le camp des femmes libres ? » s’inquiète-t-elle, refusant de rentrer ce ventre désormais rond dans des vues sociales étriquées qui disent l’enfermement, le tais-toi et nourris.
Amandine Dhée démontre avec force quelle inconnue est la maternité, sans courbe tracée ou prédéfinie. Cette génétique qui nous fait craindre de reproduire les erreurs, mais qui n’est qu’un leurre. On se construit sans cesse. L’auteure brasse toutes ces questions sans prétendre y répondre, puisqu’elle qui ne pensait pas un jour franchir le pas, la voilà « maman (…), un malentendu jamais dissipé ». Puisqu’à chacune son brouillon.
Virginie Mailles Viard
La Femme brouillon, d’Amandine Dhée, Éditions La Contre Allée, 96 pages, 13 €
Domaine français Ventre en liberté
février 2017 | Le Matricule des Anges n°180
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
Ventre en liberté
Par
Virginie Mailles Viard
Le Matricule des Anges n°180
, février 2017.