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Domaine étranger Manuel d’acrobaties

octobre 2016 | Le Matricule des Anges n°177 | par Camille Cloarec

Salué par Irvine Welsh et Chuck Palahniuk, le premier roman de Craig Clevenger est un livre plein de rebondissements.

Je peux compter mes overdoses sur les doigts d’une main. » La première phrase accrocheuse du Contorsionniste nous plonge de plain-pied dans le quotidien de John Dolan Vincent, jeune homme sujet à des migraines épouvantables (dites aussi « crèvedieux ») qui pratique l’automédication à un degré très poussé, puisqu’elle le mène bien souvent au coma. Ces morts cérébrales à répétition sont un danger pour les services sociaux, qu’il lui est impératif de contrer afin de ne pas finir sa vie interné dans un hôpital psychiatrique. Le changement d’identité s’avère être une solution radicale, mais non dépourvue de risque. « J’ai changé six fois de nom en trois ans, de nom, de numéro de sécu, de parents, d’expérience professionnelle, de bulletins scolaires et d’empreintes digitales », réalise celui qui se nomme désormais Daniel John Fletcher, alors qu’il se trouve pour la sixième fois au service réanimation d’un hôpital de Los Angeles.
En effet, la main droite de Daniel, Eric ou Christopher possède six doigts, polydactylie qui sans être à l’origine de ses maux de tête intolérables, l’a affecté dès son plus jeune âge en classe spécialisée, ses parents rangeant cette anormalité honteuse dans la case « Pas Poli De Regarder ». Son environnement familial peu enviable a au moins le mérite de l’encourager sur le terrain de la magie, en lui enseignant « les filages, les mélanges, les faux-mélanges, les substitutions, les soustractions, les effets de manche, les effets d’écran, les montages, les prises, les charges, les empalmages, les pincements, les fioritures, les diversions, et le forçage  ». Sa passion pour le faux lui permet vite de camoufler ses doigts et de falsifier des documents, tout en le plongeant dans des situations impossibles. Ainsi en est-il de ses entretiens réguliers avec les psychiatres, véritables « numéros d’équilibriste » qui reposent sur des années d’étude du système médical (les Gestes Nerveux, la Série de Sept, etc.) et une fouille approfondie des rubriques nécrologiques. Car John, qui est n’est rien de moins qu’« une collection vivante de crimes fédéraux, de mandats d’arrêts en suspens et de soins psychiatriques », ne laisse rien au hasard.
Le rythme haletant du récit, sa structure morcelée et déroutante, rappellent le cinéma de Fincher et de Nolan. Les fréquents retours en arrière se confondent avec les dossiers médicaux et les interrogatoires, créant une temporalité éclatée que l’on imagine très bien reproduite dans un film (les droits sont d’ailleurs achetés). Cependant, si la structure même du roman colle parfaitement à la devise du héros (« toujours en mouvement, jamais en mémoire »), son intrigue ne nous tient pas en haleine comme celles de Fight Club ou de Memento. À l’image de la schizophrénie de son personnage, elle oscille de manière peut-être trop simpliste entre plusieurs registres dans une langue certes efficace, mais dénuée d’intensité.
Ce qui est le plus intéressant dans Le Contorsionniste n’est donc pas son scénario en lui-même, mais plutôt la dénonciation de certains aspects propres à la société américaine dont il se fait l’écho. La médecine et ses mécanismes d’une pertinence douteuse, représentés par le psychiatre, sont par exemple une cible savoureuse. Ce dernier, un brave type qui semble bourré de complexes, ne fait rien d’autre que de tirer de grosses ficelles, appliquant ce qu’on lui a appris. De même, l’éducation et ses rouages arbitraires apparaissent dans toute leur injustice. Enfin, la loi est moquée en permanence, derrière la personne du Procureur, lequel « prenait une série de faits irréfutables et les mélangeait pour redistribuer une vérité toute différente », mais aussi derrière l’affront du narrateur, qui clame haut et fort qu’elle est faillible. La preuve, « être quelqu’un d’autre, même seulement de nom, c’était comme porter un masque pendant une fête – je pouvais faire ce que je voulais et personne ne saurait que c’était moi ».

Camille Cloarec

Le Contorsionniste, de Craig Clevenger, traduit de l’américain par Théophile Sersiron, illustré par Yann Legendre, Le Nouvel Attila, 320 pages, 20

Manuel d’acrobaties Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°177 , octobre 2016.
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