Trois enfants, deux filles et un garçon dans « une baraque pourrie au milieu d’une plantation de vieux cerisiers ». Ils ont 11, 14 et 16 ans. Et leur secret nous est livré dès les premières pages. Leur mère est morte. « On l’a trouvée le matin. Elle était allongée par terre. Là. J’ai essayé de la réveiller. Elle était toute molle. » Par peur de ce qui pourrait arriver ensuite – placement dans une famille, dans un foyer de jeunes, retour chez le père –, ils décident de ne rien dire. De la cacher et puis de faire comme si. Ils devront faire face à l’inquiétude d’un voisin, au manque d’argent, ils devront se partager le rôle de mère et puis s’occuper du corps. Tous les trois se prennent en main, assument et s’organisent. Cela ne va pas sans éclats de voix ni sans conflits, mais ils tiennent bon, jusqu’au dénouement final. Sur un sujet aussi sensible, Thomas Howalt y va franchement. Alternant la drôlerie des remarques du petit, le chagrin de la grande aux prises avec ses amoureux et les tourments de la troisième qui ne connaît pas son père, il donne à tout ce petit monde une vitalité, un sens des responsabilités et un amour de la vie communicatifs. Cela fait du bien de voir ces trois jeunes se démener pour faire face à la situation, imiter la voix de la mère au téléphone pour rassurer le professeur principal du petit tandis que celui-ci couvre de dessins le corps de sa mère, enfermé dans le cellier : « Un pour chaque jour depuis que maman est morte ». Dans une langue joyeuse, directe, parfois crue, mais aussi très souvent tendre, Thomas Howalt se place délibérément aux côtés de ceux qui prouvent qu’il n’y a pas de sujets tabous pour les enfants. Que tout est une question d’approche et de sensibilité. Et que ce petit monde est parfaitement capable d’affronter les grandes questions de l’existence. Un texte réjouissant.
P. G.-B.
LE SECRET
DE THOMAS HOWALT
Traduit du danois par Catherine Lise Dubost,
Théâtrales jeunesse, 96 pages, 8 e
Théâtre Le Secret
avril 2016 | Le Matricule des Anges n°172
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Le Matricule des Anges n°172
, avril 2016.