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Domaine français Des héros planqués

mars 2016 | Le Matricule des Anges n°171 | par Camille Cloarec

Après Si j’y suis (L’Olivier, 2013), Erwan Desplanques s’essaie à la nouvelle : gros plan sur le périple ordinaire d’êtres égarés.

C’est sur les mots de Jean-Pierre Martinet, extraits de Ceux qui n’en mènent pas large, que s’ouvre le recueil de nouvelles d’Erwan Desplanques : « l’essentiel était d’avoir un projet, comme les autres ». Une vague lueur, quelle qu’elle soit, qui guide chaque pas. Une ébauche, un plan, que poursuivent désespérément les personnages d’Une chance unique. Rien ne rapproche à première vue l’automobiliste à qui l’on vole ses auto-stoppeuses (« Une chance unique »), Paul qui suite au décès de sa femme fait construire une piscine (« Des horizons sous la terre »), et le journaliste à la recherche d’informations sur l’assassin de Jean Jaurès (« Un type en or »). Rien, si ce n’est un certain flottement, une certaine hésitation. « Je n’aimais pas hésiter, mais j’étais né comme ça, hésitant », déclare l’un d’entre eux. Les dix nouvelles d’Erwan Desplanques jouent, au détour de situations banales, avec le doute et l’indécision de ses héros. Quand au terme d’une longue réflexion ils regardent leurs vies, il n’en jaillit que du hasard. Tout n’est que rencontres fortuites, aventures douteuses, souvenirs incertains. Face à ces choix avortés, à cette passivité spontanée, la fragilité de leurs parcours est manifeste. L’auteur s’intéresse à ce moment précis de prise de conscience, entre flottement et désir d’action. « La vie demandait beaucoup d’imagination », comprend soudain un jeune instituteur désœuvré. Ces êtres égarés, en se détachant étrangement de leurs existences, questionnent l’emprise que l’on peut revendiquer sur son propre destin.
Erwan Desplanques maîtrise parfaitement le format de la nouvelle, bref et sobre. Les histoires qu’il nous livre laissent libre cours à l’introspection, dans une langue simple, en apparence anodine. Cependant, derrière cette structure minimaliste, si l’on y fait bien attention, se dévoilent plus de choses qu’il n’y paraît. La clé réside parfois dans un unique mot, au sens faussement innocent. Le « paternalisme » de l’éditeur envers son stagiaire (« Un garçon prometteur ») ne révèle-t-il pas le véritable lien de parenté qui les unit ? Tout est dit sans l’être tout à fait. L’anecdote, qui occupe une place centrale dans l’écriture de Desplanques, accentue cette illusion de légèreté. L’origine de la brouette, le véritable prénom de Derrida (Jackie et non Jacques…), le contenu d’un article de journal titré « Tous les chauves aux pôles » sont autant de détails qui perdent notre attention, tantôt futiles, tantôt graves. La littérature jalonne les textes, sous forme de noms, de références, d’allusions. Les détails sont autant d’indices, qui prouvent que contrairement aux êtres qu’il dépeint, l’auteur ne laisse rien au hasard. La chute, souvent réussie, est là pour nous le rappeler.
La richesse de ce recueil réside dans la variété des milieux qu’il nous fait parcourir. Le suicide en direct d’un participant d’une émission télévisée est qualifié de « moment historique » par son présentateur (« Le premier suicide en direct de l’histoire de la télé »). Olivia, artiste contemporaine, construit des amas de pierres, qui ensuite s’effondrent (« Les cairns »). Ces diverses intrusions sont pour l’auteur l’occasion de pointer du doigt, l’air de rien, certaines faiblesses de notre monde connecté, manipulateur et rentable. Chaque nouvelle est comme contaminée par cette laideur ambiante, les milieux éditorial et artistique en tête. « Il me semblait que, de plus en plus, l’essence de l’art relevait d’une certaine habileté à se justifier », réalise un jeune instituteur. Justification devant l’inaction, devant l’échec qu’aucun personnage ne parvient, finalement, à contrer.
Camille Cloarec

Une chance unique
d’Erwan Desplanques
L’Olivier, 155 pages, 15

Des héros planqués Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°171 , mars 2016.
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