Histoire de la littérature récente (tome I) joue à cache-cache avec son objet. Sous ce titre pompier s’enchaînent des chapitres aussi courts que fantaisistes : « Oubliettes », « Save the date », « Vroum », « Peupliers » « Pourquoi j’écris de si bons livres »… Morceaux d’un cadavre exquis ? Mots-clefs d’un moteur de recherche ? Miettes d’autofiction ?
Autrefois, dans L’Art poetic’ (1988), Olivier Cadiot décortiquait la grammaire, aujourd’hui il feint de livrer en kit non pas un précis d’histoire littéraire, mais un manuel, aussi bien d’écriture que de lecture. Une nouvelle version aguicheuse du texte de Rilke, Lettre à un jeune poète, mixée avec une parodie de livre de développement personnel. On y trouvera des poncifs et des pirouettes, Baudelaire et Faulkner, des universitaires alarmistes au chevet de la Littérature et le médecin de l’auteur, des « gens » et des réponses détachables à des tas de questions, ce qu’est un livre, à quoi ressemble écrire (« c’est comme s’installer dans une nouvelle maison, mais d’un point de vue légèrement différent »), les pièges à éviter (« Pas de style. Ce n’est pas une affaire de style. Une idée idiote bien écrite restera idiote, et risque même de devenir encore plus ridicule si on la traite avec trop de respect. »), la philosophie dissimulée dans un site web de vente de sushi.
On a l’habitude avec Cadiot de romans multivitaminés, fourmillant de suggestions et d’idées-minutes. Celles-ci se retrouvent ici comme exposées. Plus le temps passe, plus l’auteur tend vers la lisibilité. Un fil narratif (celui de la-littérature-aurait-disparu) sert de prétexte à des saynètes parfois faciles. Car Cadiot cabotine et fait l’idiot. On l’imagine mimant l’histoire littéraire sur des tréteaux ou sa méthode face à des journalistes ébaubis ; on le voit collectionner des merveilles et des bouts de ficelles, miniaturisant les travers des uns, les trouvailles des autres, la beauté des instants T. Son texte sur les coachs fait penser à un sketch d’Anne Roumanoff, il fait déjà la réclame du tome II de son « Histoire », il fait son show. Ses meilleurs textes sont les Minima moralia d’un clown triste. Il y a ainsi une magie Cadiot faite d’humour et de mélancolie – quand il donne à entendre un disque destiné aux extraterrestres, rend l’émotion des objets techniques, quand il enchante un sandwich, comme d’autres une madeleine.
Version au clairon : « Ah les mots, c’est formidable, il y a tout dedans. Écoutez les litanies des vendeurs de vin, on s’évade, c’est merveilleux, on se promène, quelquefois même on part sur des odeurs de sous-bois et de cendre par un matin d’octobre – on entend dans le vin le bruit des bottes et le craquement des branches. Ne me dites pas que la littérature a disparu, la poésie est en plein essor. Il suffit de redevenir chasseur-cueilleur. » Version chuchotée : « Et pendant ce temps, les pastèques rafraîchissent. ».
Chloé Brendlé
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE RÉCENTE,
TOME I d’OLIVIER CADIOT
P.O.L, 185 pages, 11 €
Domaine français Cadiot express
février 2016 | Le Matricule des Anges n°170
| par
Chloé Brendlé
L’auteur de Fairy queen propose ses services de coach littéraire aux lecteurs et aspirants écrivains.
Un livre
Cadiot express
Par
Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°170
, février 2016.